<134>ment; pourvu que ce je ne sais quoi qui vous fait penser et qui vous inspire de si belles choses soit du voyage, cela me suffit.

Je recevrai volontiers les fragments des campagnes de Louis XV, mais je verrai avec plus de satisfaction encore la fin du Siècle de Louis XIV. Vous n'achevez rien, et cet ouvrage seul ferait la réputation d'un homme. Il n'y a plus que vous de poëte français, et que Voltaire et Montesquieud qui écrivent en prose. Si vous faites divorce avec les Muses, à qui sera-t-il désormais permis d'écrire? ou, pour mieux dire, de quel ouvrage moderne pourra-t-on soutenir la lecture?

Ne boudez donc point avec le public, et n'imitez point le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, qui punit le crime des pères jusqu'à la quatrième génération. Les persécutions de l'envie sont un tribut que le mérite paye au vulgaire. Si quelques misérables auteurs clabaudent contre vous, ne vous imaginez pas que les nations et la postérité en seront les dupes; marque de cela, malgré la vétusté des temps, nous admirons encore les chefs-d'œuvre d'Athènes et de Rome, les cris d'Eschine n'obscurcissent point la gloire de Démosthène, et, quoi qu'en dise Lucain, César passe et passera pour un des plus grands hommes que l'humanité ait produits. Je vous garantis que vous serez divinisé après votre mort. Cependant ne vous hâtez point de devenir dieu; contentez-vous d'avoir votre apothéose en poche, et d'être estimé de toutes les personnes qui sont au-dessus de l'envie et des préjugés, au nombre desquelles je vous prie de me compter.


d Voyez t. II, p. 42, t. IX, p. III et III, et ci-dessus, p. 58.