<102>Les vents fougueux déchaînés en barbares,
Fabricateurs de rhumes et catarrhes,
Vinrent, l'hiver, répandre sur Berlin,
A droite, à gauche, énormes maladies,
Et, peu touchés de l'amour du prochain,
Distribuaient nombre d'apoplexies.
La Faculté, maudissant leur essaim,
Laissait mourir et perdait son latin;
Tous les quartiers chantaient leurs élégies,
Invectivant Éole et le destin.
Dans les douceurs d'une paix fraternelle,
Gromaticusa vivait avec deux sœurs
Qui du beau temps fabriquaient la nouvelle,
Faisaient par an deux almanachs menteurs
Où se trouvait l'histoire peu fidèle
Ou bien plutôt l'impertinent roman
Des grands flambeaux cloués au firmament.
Gromaticus, docteur d'astrologie,
Du bon Phébus faisait le substitut,
Et, renommé savant dans la magie,
De chaque fou recevait le tribut,
Seul revenu dont longtemps il vécut,
Lorsque la mort, qui faisait sa récolte,
En tapinois sur-le-champ l'accola,
Subitement, en un seul tour de volte,
Sur le carreau roide mort le coucha.
D'abord, grands cris; ses bonnes sœurs pleurèrent,
Et de leurs voix si fortement hurlèrent,
Qu'à ce grand bruit leurs voisins s'éveillèrent.
Un peuple entier chez le mort s'assembla;


a Le 8 mars 1740, l'astronome Kirch fut frappé d'une attaque d'apoplexie dont il mourut le lendemain, âgé de quarante-cinq ans. Son cadavre offrit un singulier phénomène : c'est que, ses trois sœurs ne pouvant se résoudre à lui donner la sépulture avant qu'on y aperçût des signes de corruption, il se conserva trois semaines, sans qu'on pût y en découvrir de sensibles. Il est vrai que le froid excessif qui avait régné pendant le grand hiver durait encore au mois de mars. (Formey) Histoire de l'Académie des sciences. Berlin, 1752, in-4, p. 65.