<211>Qui comme autant d'affronts regardent les refus,
Défigurent nos traits, noircissent nos vertus;
De nouveaux mécontents cette troupe grossie
Épilogue tout haut le cours de notre vie;
Le ciel même jamais n'a pu les contenter,
Un roi faible mortel pourrait-il s'en flatter?
Aimer toujours le bien, le suivre par principe,
Mépriser un vain bruit dont l'écho se dissipe,
C'est là notre parti; laissons donc bourdonner
Cet essaim de frelons sans nous en chagriner;
A ces juges des rois si nous osions répondre,
Par le mot de l'énigme on pourrait les confondre :
Ils n'ont vu que de loin ces importants objets,
Ces censeurs pointilleux sont autant de Dargets;
La critique est aisée, et l'art est difficile,a
Un citoyen charmant fait un roi malhabile,
Et tous ces Phaétons si savants dans notre art
Tomberaient de l'Olympe en guidant notre char.
Ne pense point, Darget, que, dangereux sophiste,
De cent rois criminels affreux apologiste,
Abusant de ma lyre et du charme des vers,
Je chante des tyrans, l'horreur de l'univers;
Ma muse ose blâmer la funeste conduite
De ces vulgaires rois sans honneur, sans mérite,
Endormis sur le trôneb ou pleins de vains projets,
Trop mous vers leurs voisins, trop durs vers leurs sujets.
Je vais te crayonner leurs traits d'après nature :
Un tel ... Mais mon discours te lasse outre mesure,
Tu brûles, cher Darget, de revoir ta maison,
Où ta femme t'attend pour plus d'une raison.
Je crois ouïr gronder ta cuisinière experte,
Déjà le rôti sèche et la table est couverte,
Tes ragoûts délicats vont tous se refroidir,


a Ce vers, tiré du Glorieux de Destouches, acte II, sc. V, est une des sentences favorite du Roi, qui la répète souvent, par exemple, t. IX, p. 171.

b Voyez ci-dessus, p. 180.