<163>Elle altère le fond du meilleur caractère.
L'homme dans ses transports s'imagine être un dieu,
Il prétend que pour lui l'encens fume en tout lieu;
Ces grands, enorgueillis de leur magnificence,
Pensent qu'ils sont l'objet pour qui la Providence
Fit sortir du néant ces êtres si divers
Qui rampent sur la terre ou volent dans les airs;
Ils se placent eux seuls au centre de ce monde,
Et tout le reste est bien quand pour eux tout abonde,
Tendres sur leur sujet, insensibles pour nous,
Ivres de leur plaisir, de leur grandeur jaloux,
Semblables aux rameaux dont les feuilles stériles
Du tronc qui les nourrit tirent les sucs utiles,
Et, dans un vain feuillage étalant leur beauté,
Laissent les tendres fruits sécher à leur côté.
Est-ce donc pour eux seuls que se filtre la séve
Qui par tant de tuyaux jusqu'aux branches s'élève?
Ah! quelle heureuse main coupera ces rameaux,
Des présents de Pomone injurieux rivaux?
Avec trop de chagrin j'en vois grossir le nombre. »
Philémon repartit, prenant un air plus sombre :
« Peut-être verrait-on plus de cœurs bienfaisants,
Mais ce monde pervers est peuplé de méchants,
Les bienfaits sont payés de noire ingratitude;
Qui fait de la sagesse une profonde étude,
S'il connaît les mortels, ne les servira pas. »
Qu'il est beau, Philémon, de faire des ingrats!
Faut-il, lorsqu'aux vertus un doux penchant nous guide,
Que l'austère raison contre le cœur décide?
O vous, sage Minerve, aimable et tendre sœur!
O vous, qui possédez tous les talents du cœur,
Vous pensez, je le sais, qu'un noble caractère
Ne trouve en sa grandeur de plaisir qu'à bien faire,
Qu'à daigner partager à l'homme son égal
Les faveurs dont pour lui le ciel fut libéral.
Ces colonnes dont l'art d'un habile architecte
Sait orner noblement sa façade correcte,