<40> été combattue; c'est qu'il n'en est aucune qui n'ait deux faces : prenez-la d'un côté, elle paraît incontestable; prenez-la de l'autre, c'est la fausseté même. Rassemblez tout ce que votre raisonnement vous a fourni pour et contre, réfléchissez, délibérez, pesez bien, vous ne saurez à quoi vous déterminer. Tant il est vrai qu'il n'y a que le nombre des vraisemblances qui donne du poids à l'opinion des hommes. Si quelque vraisemblance pour ou contre leur échappe, ils prennent le mauvais parti; et comme jamais l'imagination ne peut leur offrir avec une même force le pour et le contre, ils se détermineront toujours par faiblesse, et la vérité se dérobe à leurs yeux.

Je suppose qu'une ville soit située dans une plaine, que cette ville soit assez longue, et qu'elle ne contienne qu'une rue; je suppose encore qu'un voyageur qui n'a jamais entendu parler de cette ville s'y rende, et qu'il en voie toute la longueur : il jugera qu'elle est immense, parce qu'il ne la voit que d'un côté, et son jugement sera très-faux, puisque nous avons vu qu'elle ne contenait qu'une rue. Il en est de même des vérités, lorsque nous les considérons par parties, et que nous faisons abstraction du tout. Nous jugerons bien de cette partie, mais nous nous tromperons considérablement sur la totalité. Pour arriver à la connaissance d'une vérité importante, il faut auparavant avoir fait une provision préliminaire de vérités simples qui conduisent ou qui servent d'échelons pour atteindre à la vérité composée qu'on cherche; c'est encore ce qui nous manque. Je ne parle point des conjectures, je parle des vérités évidentes, certaines et irrévocables. A prendre les choses dans un sens philosophique, nous ne connaissons rien du tout; nous nous doutons de certaines vérités, nous nous en formons une notion vague, et nous modifions par les organes de la voix de certains sons que nous appelons des termes scientifiques, dont le résonnement contente nos oreilles, que notre esprit croit comprendre, et qui, bien pris, n'offrent à l'imagination que des idées confuses et embrouillées; de sorte que notre philosophie