<286> d'ascendant sur son esprit pour le faire changer d'opinion. Il a raison en effet; mais je soutiens qu'il n'y a personne dans le monde qui ne se laisse gouverner, les uns plus, les autres moins. On dit qu'une fois la ville d'Amsterdam fut gouvernée par un chat. Par un chat? dira-t-on; comment une ville peut-elle être gouvernée par un chat? Suivez cette gradation de faveurs, et vous en jugerez. Le premier bourgmestre de la ville avait la première voix dans le conseil, et y était fort estimé. Ce premier bourgmestre avait une femme dont il suivait aveuglément les conseils; une servante avait un ascendant absolu sur l'esprit de cette femme, et un chat sur l'esprit de la servante : c'était donc le chat qui gouvernait la ville.

Il y a cependant des occasions où il est même glorieux à un prince de changer de conduite, et il le doit même toutes les fois qu'il s'aperçoit de ses fautes. Si les princes étaient infaillibles comme le pape croit l'être, ils feraient bien d'avoir une fermeté stoïque sur leurs sentiments; mais comme ils ont toutes les faiblesses de l'humanité, ils doivent penser sans cesse à se corriger et à perfectionner leur conduite. Qu'on se ressouvienne que la fermeté outrée et l'opiniâtreté de Charles XII pensèrent le perdre à Bender, et que ce fut cette fermeté inébranlable qui ruina plus ses affaires que la perte de quelques batailles.

Voici d'autres erreurs de Machiavel. Il dit, « Qu'un prince ne manquera jamais de bonnes alliances, tant qu'on pourra faire fond sur ses armées; » et cela est faux, à moins que vous n'y ajoutiez : sur ses armées et sur sa parole; car l'armée dépend du prince, et c'est de son honnêteté ou de sa malhonnêteté que dépendent l'accomplissement des alliances et les mouvements de cette armée.

Mais voici une contradiction en forme. Le politique veut, « Qu'un prince se fasse aimer de ses sujets, pour éviter les conspirations; » et dans le chapitre dix-sept il dit, « Qu'un prince doit se faire craindre, puisqu'il peut compter sur une chose qui dépend de lui, et qu'il n'en »