<148> peuple romain. Les républiques, cependant, doivent en quelque façon entretenir de la jalousie entre leurs membres, car, si aucun parti ne veille sur l'autre, la forme du gouvernement se change en monarchie

Il y a des princes qui croient la désunion de leurs ministres nécessaire pour leur intérêt; ils pensent être moins trompés par des hommes qu'une haine mutuelle tient réciproquement en garde. Mais si ces haines produisent cet effet, elles en produisent aussi un fort dangereux; car, au lieu que ces ministres devraient concourir au service du prince, il arrive que, par des vues de se nuire, ils se contrecarrent continuellement, et qu'ils confondent dans leurs querelles particulières l'avantage du prince et le salut des peuples.

Rien ne contribue donc plus à la force d'une monarchie que l'union intime et inséparable de tous ses membres, et ce doit être le but d'un prince sage de l'établir.

Ce que je viens de répondre à la troisième question de Machiavel peut en quelque sorte servir de solution à son quatrième problème; examinons cependant et jugeons en deux mots si un prince doit fomenter des factions contre lui-même, ou s'il doit gagner l'amitié de ses sujets.

C'est forger des monstres pour les combattre que de se faire des ennemis pour les vaincre; il est plus naturel, plus raisonnable, plus humain de se faire des amis. Heureux sont les princes qui connaissent les douceurs de l'amitié!a plus heureux sont ceux qui méritent l'amour et l'affection des peuples!

Nous voici à la dernière question de Machiavel, savoir : si un prince doit avoir des forteresses et des citadelles, ou s'il doit les raser.

Je crois avoir dit mon sentiment dans le chapitre dixième pour ce qui regarde les petits princes; venons à présent à ce qui intéresse la conduite des rois.

Dans le temps de Machiavel, le inonde était dans une fermentation


a Voyez ci-dessus, p. 58.