<28>çait à pas de géant dans la carrière des sciences, souffrit de cette jalousie, et sa vivacité l'y rendit trop sensible.

Il traduisit à Saint-Malo les Aphorismes de Boerhaave, la Matière médicale, les Procédés chimiques, la Théorie chimique, et les Institutions du même auteur. Il publia presque en même temps un abrégé de Sydenham. Le jeune médecin avait appris, par une expérience prématurée, que pour vivre tranquille il vaut mieux traduire que composer; mais c'est le caractère du génie de s'échapper à la réflexion. Fort de ses propres forces, si je puis m'exprimer ainsi, et rempli des recherches de la nature qu'il faisait avec une dextérité infinie, il voulut communiquer au public les découvertes utiles qu'il avait faites. Il donna son traité sur la Petite vérole, sa Médecine pratique, et six volumes de Commentaires sur la Physiologie du sieur Boerhaave; tous ces ouvrages parurent à Paris, quoique l'auteur les eût composés à Saint-Malo. Il joignait à la théorie de son art une pratique toujours heureuse; ce qui n'est pas un petit éloge pour un médecin.

En 1742, M. La Mettrie vint, à Paris, attiré par la mort de M. Hunault, son ancien maître. Les sieurs Morand et Sidobre le placèrent auprès du duc de Grammont, et peu de jours après, ce seigneur lui obtint le brevet de médecin des gardes. Il accompagna ce duc à la guerre, et fut avec lui à la bataille de Dettingen, au siége de Fribourg, et à la bataille de Fontenoi, où il perdit son protecteur, qui y fut tué d'un coup de canon.

M. La Mettrie ressentit d'autant plus vivement cette perte, que ce fut en même temps l'écueil de sa fortune. Voici ce qui y donna lieu. Pendant la campagne de Fribourg, M. La Mettrie fut attaqué d'une fièvre chaude : une maladie est pour un philosophe une école de physique; il crut s'apercevoir que la faculté de penser n'était qu'une suite de l'organisation de la machine, et que le dérangement des ressorts influait considérablement sur cette partie de nous-mêmes que les mé-