<24> foule à ses pieds les préjugés du vulgaire, et dont la vie vertueuse et pure de crimes ne lui donnait lieu à aucune espèce de repentir.

Le samedi 4 d'août, il se trouva plus mal le matin que de son ordinaire, et sentant que sa fin approchait, il eut la présence d'esprit d'ordonner à son valet de chambre de fermer la porte de l'appartement de son épouse, qui était enceinte; il prit en même temps un crachement de sang plus fort que ceux qu'il avait eus jusqu'alors, pendant lequel il expira.

Il avait épousé Charlotte-Wilhelmine de Grävenitz, de laquelle il eut trois filsa et trois filles, qu'il laissa en bas âge, sans compter un fils posthume, dont sa femme accoucha peu de temps après sa mort.

M. de Goltz avait toutes les qualités d'un homme aimable et d'un homme utile. Son esprit était juste et pénétrant, sa mémoire, vaste, et ses connaissances, aussi étendues que celles d'un homme de condition puissent l'être. Il fuyait l'oisiveté, et aimait le travail avec passion. Son cœur était noble, toujours porté au bien, et son âme était si généreuse, qu'il secourut quantité de pauvres officiers dans leurs besoins. En un mot, il était honnête homme, louange trop peu estimée de nos jours, et qui cependant contient en elle plus que toutes les autres. Il avait dans ses mœurs cette simplicité qui a si souvent été la compagne des grands hommes. Sa modestie fut poussée au point qu'il ne voulut point être enterré avec cette pompe par laquelle la vanité des vivants croit encore triompher des injures de la mort. Le Roi, pour honorer la mémoire d'un homme qui avait rendu tant de services à l'État, et à la perte duquel il était si sensible, ordonna, par une distinction particulière, à tous les officiers des gendarmes d'en porter le deuil.

Il est vrai de dire qu'il était de ces génies dont il ne faut que trois ou quatre pour illustrer tout un règne. Il vécut longtemps, parce


a Voyez t. V, p. 176.