<19>Mais quelle habileté ne faut-il pas, dans ce poste, pour embrasser des objets aussi vastes, pour prévoir des incidents combinés, des cas fortuits, et pour prendre d'avance des mesures si exactes, qu'elles ne puissent être dérangées par aucune sorte de hasard! Quelles ressources dans l'esprit, et quelle attention ne faut-il pas, pour fournir, en tous lieux et en tout temps, le nécessaire et le superflu à une multitude composée de gens inquiets, impatients et insatiables!a Tous ces talents divers et toutes ces heureuses dispositions se trouvaient réunis en la personne de M. de Goltz. Le Roi lui confia l'intendance de son armée; et ce qui est plus remarquable encore, c'est que tout le monde applaudit à ce choix.

M. de Goltz était comme le Protée de la fable. Dans cette seule campagne, il fit le service d'aide de camp, de général, d'intendant, et même de négociateur. Il fut chargé d'une commission importante et secrète,b dont le public n'a jamais eu une entière connaissance; mais ce que le public n'ignorait pas, c'est qu'il passait d'un emploi à l'autre sans qu'on s'aperçût qu'il changeait de travail, s'acquittant toujours également bien de celui qu'il faisait.

L'année 1742, il suivit le Roi en Bohême, et il donna des marques de sa capacité à la bataille de Czaslau, qui firent juger aux connaisseurs que son génie lui tenait lieu d'expérience. Il devint colonel à la fin de la campagne, et reçut en même temps le commandement des gendarmes.

La paix de Breslau, qui fut une suite de cette victoire, le ramena à Berlin, où, au renouvellement de l'Académie royale des sciences, il en fut élu membre honoraire. Il assista souvent à nos assemblées, y apportant des connaissances si variées et si étendues,


a En lisant cet alinéa et celui qui précède, on pense involontairement à la belle définition que Fléchier donne d'une armée, dans son oraison funèbre de M. de Turenne.

b Voyez t. II, p. 101.