<I>

AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR.

Le dernier des ouvrages historiques de longue haleine que l'on doit à la plume du Roi, se compose de trois parties, dont il écrivit la première au mois de février 1775. Elle est connue sous le titre de Mémoires depuis la paix de Hubertsbourg jusqu'à la fin du partage de la Pologne. Le manuscrit autographe se trouve aux archives royales du Cabinet (Caisse 365, H), placé à la suite des Réflexions sur les mesures à prendre au cas d'une guerre nouvelle avec les Autrichiens, en supposant qu'ils suivent la même méthode d'une défensive rigide comme dans la dernière campagne de 1778, du 28 septembre 1779. Cette ébauche, écrite sur du papier de format in-quarto, sans titre général et sans avant-propos, se compose de trois chapitres. Le chapitre premier, De la politique depuis 1763 jusqu'à 1774, commence par ces mots : « Le lecteur se souviendra du tableau des finances des puissances de l'Europe dont nous avons rapporté le précis à la fin de l'année 1762 et au commencement de 1763 (t. V, p. 260-263), etc.; » il porte à la fin, p. 27, la date A Potsdam, ce 18 février 1775, et il est signé Federic. Le second chapitre, Des finances, p. 1-8, et le troisième, Du militaire, p. 1-8, ne sont ni datés ni signés.

Peu de temps après la paix de Teschen, l'Auteur refit et copia cet ouvrage, puis il y ajouta les deux autres parties, c'est-à-dire, le récit des événements de 1774<II> à 1778, et celui de la guerre pour la succession de Bavière. Le 24 juillet 1779, il remit ce nouveau travail au comte Finck de Finckenstein, premier ministre de Cabinet; l'envoi était accompagné de la lettre suivante :

Ce 24.

Je vous prie, mon cher comte, de me faire copier tout ceci par une main fidèle, et de le faire brocher ensuite, et de me le renvoyer. Quant à l'original, vous aurez la bonté de le déposer dans les archives, auprès de mes mémoires précédents, dont il forme la suite.



Je suis avec estime

Votre fidèle ami,
Federic.

Le comte de Finckenstein mit au haut de cette lettre, à la marge : « Pràs. d. 24. Juli 1779; » puis il scella deux fois de son cachet de famille le manuscrit original. Il écrivit lui-même sur la couverture la note suivante, en allemand : « Königliche Eigenhändige Memoires vom Hubertsburger bis zu dem Anno 1779 zu Teschen geschlossenen Frieden. » Comme le Roi n'a pas donné de titre général à son ouvrage, dont l'original est déposé aux archives du Cabinet (Caisse 150, B), nous l'avons intitulé, d'après l'inscription du comte de Finckenstein : Mémoires depuis la paix de Hubertsbourg jusqu'à la paix de Teschen. Aussi l'avant-propos, sans date et sans signature, qui se trouve à la tête de l'ouvrage, n'a rapport qu'aux Mémoires depuis la paix de Hubertsbourg, 1763, jusqu'à la fin du partage de la Pologne, 1775. Le manuscrit de cet ouvrage a quarante-quatre pages in-quarto. Le chapitre Ier, De la politique depuis 1763 jusqu'à 1774, p. 1-27, est daté, au bas de la dernière page, Potsdam, 18 février 1775, et n'est pas signé; le chapitre II, Des finances, p. 28-35, n'est ni signé ni daté; et à la fin du chapitre III, Du militaire, p. 36-44, on lit ces mots : Fait en 1773 (sic), corrigé en 1779. Federic. Quant aux deux autres mémoires, c'est-à-dire, la relation De ce qui s'est passé de plus important en Europe depuis l'année 1774 jusqu'à l'année 1778, manuscrit de huit pages in-quarto, sans date ni signature, et les Mémoires de la guerre de 1778, manuscrit de dix-huit pages in-quarto, signé, Fait à Potsdam, ce 20 juin 1779, Federic, ils ont été ajoutés, comme ouvrages à part, pour continuer les mémoires du royal Auteur sur son propre règne, et n'ont de préface ni l'un ni l'autre.

<III>Le corps de cet ouvrage, formant trois cahiers, est écrit en entier de la main du Roi. Un quatrième et un cinquième cahier, copiés par un secrétaire, contiennent la Correspondance de main propre de Sa Majesté le Roi avec Sa Majesté l'Empereur, en 1778, et la Correspondance de main propre de Sa Majesté le Roi avec Sa Majesté l'Impératrice-Reine, en 1778. Le texte que nous donnons de ces correspondances est vérifié sur les minutes des lettres ou sur les originaux, que l'on conserve aux archives royales.

L'autographe de Frédéric est très-serré, net et bien lisible, comme l'ouvrage sur la guerre de sept ans. Jl y a peu de corrections, çà et là seulement un mot rayé ou quelques expressions intercalées et mises au-dessus de la ligne.

Nous n'avons pas osé toucher aux dates différentes, 1775 et 1774, que l'Auteur a ajoutées au titre et au premier chapitre du premier ouvrage, par la raison que, dans les deux rédactions de ces mémoires, il a conduit en effet l'exposé des affaires de Pologne jusqu'au moment où il a écrit, en février 1775, année qui se trouve aussi indiquée à la marge, tandis que pour la politique en général il s'arrête en 1774, pour la reprendre à la même année dans le second ouvrage.

Les archives royales du Cabinet possèdent (Caisse 365, D) une copie faite sur l'autographe du Roi lorsqu'il fut complet. Cette copie, dont la reliure porte le titre suivant : MS. de l'Histoire de mon temps, depuis 1763-1779, a été préparée pour l'impression par le comte de Hertzberg, qui a procédé aussi arbitrairement ici que pour l'Histoire de mon temps proprement dite et pour l'Histoire de la guerre de sept ans. Cela résulte aussi d'une lettre de ce ministre d'État au roi Frédéric-Guillaume II, du 30 janvier 1788. En voici le commencement et la partie principale : « Le libraire Decker vient d'achever l'impression de l'Histoire de mon temps du feu roi. Comme il ne veut la publier qu'à la Saint-Michel, quand tous les Œuvres posthumes du feu roi seront imprimés, afin d'en empêcher la contrefaction, je crois faire plaisir à Votre Majesté en lui envoyant les feuilles qui contiennent l'histoire de la dernière guerre de Bavière. J'y ai trouvé avec le plus grand plaisir que le feu roi a rendu justice aux manœuvres de Votre Majesté, dans les endroits que j'ai marqués. Il a relevé, d'un autre côté, la faute qu'il attribue au prince Henri d'avoir commis dans cette campagne, comme Votre Majesté daignera le voir par les passages que j'ai soulignés dans le manuscrit original<IV> ci-joint; mais je crois avoir rencontré l'intention de Votre Majesté en retranchant ledit passage, qui aurait beaucoup exposé à la postérité la réputation militaire de Son Altesse Royale, laquelle pourra juger par ce trait que j'agis plus généreusement à son égard qu'elle ne fait envers moi, etc. »

Dans sa réponse autographe, du 31 janvier 1788, le Roi dit, entre autres, qu'il se souvient très-bien que feu son oncle lui avait lu les passages de l'ouvrage sur la guerre de Bavière qui le concernent.

Les éditeurs de 1788 ont laissé l'ouvrage sans titre général; de plus, ils ont donné la seconde partie, qui forme un tout indépendant, comme le quatrième chapitre de la première. Ainsi que dans les volumes précédents, ces mêmes éditeurs se sont permis partout des omissions considérables, et ont ajouté des choses qui ne se trouvent pas dans le manuscrit original, par exemple à la page 56, où l'Auteur, racontant la fin tragique de Struensée, s'exprime ainsi : « Deux généraux et le sieur d'Osten se rendirent en secret chez la reine Julie, etc. » Le comte de Hertzberg y a mis : « Les deux généraux d'Eickstedt et de Köller, tous deux Poméraniens de naissance, et le ministre d'État d'Osten, etc. » A la page 70, Frédéric, en parlant de la mort du sultan Mustapha, dit seulement : « Son frère occupa le trône après lui; » les éditeurs de 1788 ont inséré après son frère le faux nom d'Achmet. Ils ont aussi fait à l'ouvrage l'addition inutile des Pièces authentiques de la négociation de Braunau (Œuvres posthumes, t. V, p. 335-354), qui avaient déjà paru en 1778, et que le comte de Hertzberg a fait entrer avec raison dans son Recueil des déductions, etc. A Berlin, 1789, t. II, p. 190-200.

Quant à la correspondance du Roi avec l'Empereur et avec l'Impératrice-Reine, on trouve, dans la collection intitulée Briefe von Joseph dem Zweyten. (Bis jetzt ungedruckt). Leipzig, F. A. Brockhaus, 1821, p. 23-25, une lettre de l'Empereur à Frédéric II, datée de Jaromircz, juillet 1778. Elle est écrite en langue allemande, à part la fin, qui est en français. Le ton inconvenant qui y règne en rend l'authenticité fort douteuse. Sans cette circonstance, elle appartiendrait à la correspondance au sujet de la Bavière; mais rien ne fait supposer que le Roi ait eu connaissance d'une pièce de cette nature.

Nous avons ajouté à ce dernier ouvrage historique du Roi deux écrits qui servent comme de conclusion aux mémoires que l'auguste Auteur a consacrés aux<V> événements de son propre règne, nous voulons parler du Projet de ligue et du Testament.

Frédéric a terminé ses mémoires sur son règne à la paix de Teschen. Il a gardé le silence sur les affaires générales auxquelles il prit part dès lors, ainsi que sur les dernières années de sa bienfaisante administration. Son association avec ses coétats pour le maintien de la constitution germanique, association connue sous le nom de Deutscher Fürstenbund et conclue à Berlin le 23 juillet 1785, était de sa part l'objet d'une prédilection particulière. Nous en avons vu manquer les premiers essais (Histoire de mon temps, Œuvres, t. II, p. 158, et t. III, p. 27 et 34); de même, le 31 mars 1778, le Roi avait prescrit en vain à ses ministres de Cabinet de travailler à une association des cercles (Friedrich der Grosse. Eine Lebensgeschichte von J. D. E. Preuss, t. IV, p. 390). C'est avec d'autant plus de plaisir que nous donnons du moins le Projet de la ligue qu'il eut le bonheur de former entre les princes d'Allemagne. Le texte que nous offrons au lecteur est tiré du Recueil des déductions, etc. du comte de Hertzberg, t. II, p. 364-368, où il est intitulé par l'éditeur, Projet de ligue entre les princes d'Allemagne, calquée sur le modèle de celle de Smalcalde, dressé par le roi Frédéric II de sa propre main, 1784. L'autographe de l'Auteur, communiqué à ses ministres d'État et de Cabinet le comte de Finckenstein et le sieur de Hertzberg, par une lettre datée A Potsdam, le 24 octobre 1784, ne se trouve pas dans les archives royales du Cabinet, non plus que la réponse du Roi aux représentations de ses ministres de Cabinet, datée du 1er novembre 1784, et faisant suite au Projet de ligue.

Pour ce qui regarde le Testament, nous devons entrer dans plus de détails. Trois documents remarquables, qui datent de l'année 1752, prouvent combien, à cette époque, le Roi pensait sérieusement à sa fin. L'un est le Pacturn Fridericianum, conclu entre les souverains de Prusse, de Baireuth et d'Ansbach, qui tous trois portaient le nom de Frédéric; il concerne tous les membres de la maison de Hohenzollern, et le contenu en est demeuré un secret d'État. Les deux autres se rapportent immédiatement à l'éventualité de la mort du Roi.

Ce fut le 11 janvier 1752 que le Roi écrivit l'acte qui renfermait ses dernières volontés. Deux jours après, il le plaça dans ses archives du Cabinet, avec cette inscription autographe : « Copie du Testament que j'ai fait déposer aux archives<VI>le 13 janvier 1752; » une copie de sa propre main en fut déposée aux archives du duc de Brunswic. C'était son Testament, ou sa Disposition testamentaire. Le Testament politique, qui est daté de Potsdam, le 27 août de la même année, fut confié au duc régnant de Brunswic en personne, et ne fut confié qu'à lui.

Dix-sept ans plus tard, le Roi se fit rendre l'original du Testament, ou de la Disposition testamentaire, déposé à Berlin, jugeant qu'en raison des événements survenus pendant cet espace de temps, il était nécessaire d'y apporter des modifications. Il le remplaça donc par une nouvelle rédaction, datée du 8 janvier 1769, qu'il fit mettre aux archives le 10 janvier suivant. Elle est écrite de sa propre main, sur une feuille de papier timbré de huit gros, conformément à la loi. Voyez le fac-similé à la fin de ce volume. La copie du Testament de 1752 ne fut pas redemandée à la cour de Brunswic, tout comme le nouvel acte de 1769 ne lui fut pas envoyé.

Le 7 novembre 1768, déjà, le Roi avait fait, à Sans-Souci, une nouvelle rédaction de son Testament politique, et l'avait déposée aux archives du Cabinet à Berlin. Après la mort de Charles duc de Brunswic, arrivée le 26 mars 1780, son fils et successeur renvoya à Berlin, le 3 avril de la même année, le Testament politique de 1752, en félicitant le Roi de ce qu'il n'y avait pas eu lieu de l'ouvrir.

Quant à la copie ci-dessus mentionnée du Testament, ou de la Disposition testamentaire, de l'an 1752, elle resta dans les archives de Brunswic jusqu'à la mort du roi de Prusse. Alors le duc Charles-Guillaume-Ferdinand l'envoya à Berlin par son conseiller intime Charles-Auguste de Hardenberg-Reventlow, plus tard chancelier d'État prussien, dont l'arrivée fut annoncée par les Berlinische Nachrichten von Staats- und gelehrten Sachen, no 101, le 24 août 1786. On avait déjà trouvé aux archives royales le Testament de 1769, qui fut ouvert et lu par le ministre d'État de Hertzberg, le 18 août 1786, au château de Berlin, en présence du nouveau roi, des princes Henri et Ferdinand, et du ministre d'État comte Finck de Finckenstein. Le Testament politique du 7 novembre 1768 fut présenté au nouveau roi le 6 décembre 1786; il ne fut renvoyé aux archives que le 20 avril 1803. Voyez t. I, p. XIX.

Le Testament de 1769 fut imprimé pour la première fois dans les Stats-Anzeigen de Schlozer, Gottingue, octobre 1791, t. XVI, cahier 64, p. 450-456. Le<VII> ministre d'État comte de Hertzberg adressa au conseiller de Cabinet Laspeyres une lettre datée du 27 novembre 1791, dans laquelle il se prononce de la manière suivante sur cette impression : « Dans le dernier cahier des Stats-Anzeign von Schlözer in Göttingen, on trouve le Testament du feu roi tout entier et fort exact. Cela ne peut être sorti que du cabinet particulier du Roi même. J'ai été obligé de le lire deux fois au Roi et aux princes pour la publication, quelque temps après la mort du feu roi. Sa Majesté le reprit d'abord, et l'enferma fort soigneusement dans son bureau. Je ne l'ai pas revu depuis. » Le texte que nous donnons de ce testament est tout à fait conforme à l'autographe qui en existe aux archives royales du Cabinet (Caisse 104, H). Néanmoins il diffère en beaucoup de points, peu essentiels, il est vrai, de celui qu'on avait publié précédemment.

Berlin, ce 10 juin 1847.

J.-D.-E. Preuss,
Historiographe de Brandebourg.