<22> des Prussiens, et firent trois mille prisonniers. L'armée du Roi perdit à cette journée dix mille hommes tant morts que prisonniers et blessés.

Le Roi, qui s'était flatté d'emporter la victoire, avait commis à M. de Wunscha de se saisir de Francfort pendant l'action, pour couper la retraite à l'ennemi. Ce brave officier s'en était rendu maître, et y avait fait quatre cents prisonniers; mais le malheur de cette journée l'obligea d'abandonner la ville et de retourner à Reitwein, où l'armée se campa après avoir repassé l'Oder. L'on avait à peine rassemblé dix mille hommes le soir après l'action. Si les Russes avaient su profiter de leur succès, s'ils avaient poursuivi ces troupes découragées, c'en était fait des Prussiens. Ils donnèrent du temps au Roi pour se remettre de ses pertes. Le lendemain, l'armée se trouva forte de dix-huit mille combattants, et peu de jours après, son nombre monta à vingt-huit mille têtes. On tira du canon des places; on fit venir le corps qui jusqu'alors avait amusé les Suédois au bord de la Peene. Presque tous les généraux étaient blessésb ou avaient reçu des contusions; enfin il n'aurait dépendu que des ennemis de terminer la guerre; ils n'avaient qu'à donner le coup de grâce; mais ils s'arrêtèrent, et au lieu d'agir avec vigueur, comme le cas le demandait, ils s'applaudirent de leur succès et bénirent leur fortune : enfin le Roi put respirer, et ils lui laissèrent assez de loisir pour qu'il pût pourvoir aux besoins les plus pressants de son armée. Toutefois, pour ne pas être injuste dans nos décisions, nous nous croyons obligé de rapporter ce qu'alléguait M. de Soltykoff pour colorer son inaction. Sur


a Jean-Jacques de Wunsch, alors général-major et chef d'un régiment franc. Voyez t. IV, p. 188.

b A la bataille de Kunersdorf, le général-major George-Louis de Puttkammer (t. IV, p. 135, 220 et 227) fut tué; le lieutenant-général d'Itzenplitz et le général-major de Klitzing furent blessés à mort. Ce sont les trois derniers des quarante et un généraux qui moururent pour la patrie dans les guerres de Frédéric le Grand, les uns tués sur la place, les autres blessés mortellement. Tous ont été nommés dans cet ouvrage, soit dans le texte, soit dans les notes.