<119>ration avec les sentiments différents que leur inspiraient leurs divers intérêts. Le roi de Pologne, pour son personnel, était las de la guerre; il commençait à s'apercevoir que son pays y servait de théâtre, et serait également ruiné par ceux qu'il appelait ses amis et par ses ennemis; il se flattait néanmoins encore d'obtenir quelque dédommagement par la voie de la négociation. L'impératrice de Russie aimait la paix et aurait désiré la fin des troubles, parce quelle haïssait les affaires, le travail, et l'effusion du sang; mais facile à prendre des impressions de ceux qui avaient de l'ascendant sur son esprit, et excitée par ses entours, on lui avait persuadé que sa dignité l'engageait de ne faire la paix qu'après l'abaissement de la puissance prussienne. Pour l'Impératrice-Reine, qui jouissait des efforts que faisait toute l'Europe pour abattre l'ennemi capital de sa maison, elle aurait désiré de prolonger un enthousiasme qui lui était si avantageux, et de ne quitter les armes qu'après avoir entièrement mis en exécution le projet qu'elle méditait contre la Prusse. Cependant, pour ne point indisposer la France, et pour concilier en apparence des intérêts aussi incompatibles, elle proposa la tenue d'un congrès général à Augsbourg, persuadée de flatter la France par cette condescendance, d'affecter en même temps aux yeux du public une conduite pleine de modération; ce qui en effet ne pouvait préjudicier en rien à ses intentions ni à ses intérêts, parce qu'elle pouvait traîner cette négociation autant qu'elle le jugerait convenable, et pousser, en attendant, la guerre avec vigueur durant la campagne qui allait s'ouvrir, et sur le succès de laquelle elle fondait les plus grandes espérances.

La proposition de ce congrès fut faite à Londres par le prince Ga-lizin, ministre de Russie auprès du roi de la Grande-Bretagne. Les rois de Prusse et d'Angleterre y donnèrent les mains avec d'autant moins de répugnance, qu'ils avaient eux-mêmes proposé ce congrès l'année précédente, sans que leurs ennemis daignassent alors y répondre. La France cachait des vues plus profondes sous ces appa-