CHAPITRE VIII

Événements des années 1743 et 1744, et tout ce qui précéda la guerre des Prussiens.

On dit que c'est une faute capitale en politique de se fier à un ennemi réconcilié, et l'on a raison; mais c'en est une plus grande encore à une puissance faible de lutter à la longue contre une monarchie puissante, qui a des ressources dont la première manque. Cette réflexion était nécessaire pour répondre d'avance aux critiques qui censuraient la conduite du Roi. Fallait-il, disait-on, se mettre à la tète d'une ligue pour écraser la nouvelle maison d'Autriche, et laisser ensuite reprendre le dessus à cette même maison d'Autriche, pour chasser les Français et les Bavarois de l'Allemagne? Mais quel était le projet du Roi? N'était-ce pas de conquérir la Silésie? Comment pouvait-il l'obtenir, si la guerre avait continué, n'ayant pas assez de ressources pour fournir aux grandes dépenses qu'elle entraîne de nécessité? Tout ce qui dépendait de lui, c'était d'agir par des négociations, et, autant que cela était faisable, de conserver l'équilibre entre les puissances belligérantes. La paix lui donnait le<2> temps de respirer et de se préparer à la guerre; d'ailleurs l'animosité était si forte entre la France et l'Autriche, et leurs intérêts si opposés, que la réconciliation entre ces puissances ennemies paraissait encore bien éloignée : il fallait se réserver pour les grandes occasions.

Les mauvais succès des armées françaises avaient fait une assez forte impression sur l'esprit du cardinal de Fleury, pour que sa santé s'en ressentît; une maladie l'emporta au commencement de cette année. Il avait été ancien évêque de Fréjus, précepteur de Louis XV, cardinal de l'Église romaine, et depuis dix-sept ans premier ministre. Il s'était soutenu dans ce poste, où peu de ministres vieillissent, par l'art de captiver la confiance de son maître, et en écartant avec soin de la cour ceux dont le génie pouvait lui donner de l'ombrage. Il adoucit les plaies que la guerre de succession et le système de Law avaient faites à la France. Son économie fut aussi utile au royaume que l'acquisition de la Lorraine lui fut glorieuse. S'il négligea le militaire et la marine, c'est qu'il voulait tout devoir à la négociation, pour laquelle il avait du talent. Son esprit succomba ainsi que son corps sous le poids des années. On dit trop de bien de lui pendant sa vie, on le blâma trop après sa mort. Ce n'était point l'âme altière de Richelieu, ni l'esprit artificieux de Mazarin; c'étaient des lions qui déchiraient des brebis : Fleury était un pasteur sage qui veillait à la conservation de son troupeau. Louis XV voulut élever à la mémoire de ce cardinal un monument; on en fit un dessin qui ne fut jamais exécuté : à peine fut-il mort qu'il fut oublié.

Chauvelin, que le cardinal de Fleury avait fait exiler, crut du fond de son exil pouvoir emporter ce poste vacant; il écrivit à Louis XV, blâmant l'administration de son ennemi, et se vantant beaucoup lui-même. Cette démarche précipitée fit qu'on lui marqua pour son exil un lieu plus éloigné de la cour que Bourges, où il était relégué.

Le roi de France notifia la mort de son ministre aux cours étrangères, à peu près dans le style d'un prince qui annonce son avènement<3> à la couronne. Voici la lettre qu'il écrivit3-a au Roi; nous l'avons copiée mot pour mot.3-b



Monsieur mon frère,

Après la perte que je viens de faire du cardinal de Fleury, en qui j'avais mis toute ma confiance pour l'administration de mes affaires, et dont je ne puis trop regretter la sagesse et les lumières, je ne veux pas différer à renouveler moi-même à Votre Majesté les assurances qu'il vous a données en mon nom, et que je l'ai souvent chargé de vous réitérer, de l'amitié parfaite que j'ai pour la personne de Votre Majesté, et du désir sincère que j'ai toujours eu de pouvoir me concerter avec elle sur tout ce qui peut être de nos intérêts communs. Je ne puis douter que Votre Majesté n'y corresponde de sa part comme je le puis désirer, et elle peut compter qu'elle trouvera en moi, en toutes occasions, les mêmes dispositions à contribuer à sa gloire et à ses avantages, et à lui marquer que je suis, etc.

Le département des affaires étrangères notifia en même temps que le Roi, ayant résolu de gouverner désormais par lui-même, voulait qu'on s'adressât directement à lui : jusqu'alors Louis XV avait été le pupille, et le cardinal de Fleury, son tuteur. Après la mort de Mazarin, Louis XIV porta lui-même le deuil de son ministre : personne ne le porta pour Fleury; il fut oublié avant qu'on eût prononcé son oraison funèbre. Pendant l'administration de ce cardinal, les différentes rênes du gouvernement aboutissaient toutes à lui, et venaient toutes se joindre dans ses mains : il était le point de ralliement qui réunissant les finances, la guerre, la marine et la politique, les dirigeait au moins à un même but. Depuis sa mort, le Roi voulut<4> travailler lui-même avec les ministres qui étaient à la tête de ces quatre départements : son ardeur s'éteignit au bout de huit jours de travail, et la France fut gouvernée par quatre rois subalternes, indépendants les uns des autres.

Ce gouvernement mixte produisit des détails de département; mais les vues générales qui réunissent et embrassent en grand le bien de l'État et son intérêt, manquèrent dans les conseils. Pour se faire une idée du choix des ministres, qu'on se représente un chancelier du duc d'Orléans, rempli de Cujas et de Bartole, qui devient ministre de la guerre dans ces temps où toute l'Europe était en feu, et un ancien capitaine de dragons, nommé Orry, qu'on met à la tête des finances. Maurepas s'imaginait rendre Louis XV souverain des mers, et le Roi le serait devenu, si les discours d'un homme aimable avaient pu opérer ce miracle. Amelot était de ces esprits rétrécis qui, comme les yeux myopes, distinguent à peine les objets de près. Cet aréopage gouverna donc la France; c'était proprement une aristocratie qui, naviguant sans boussole sur une mer orageuse, ne suivait pour système que l'impulsion des vents.

Les armées ne prospérèrent pas sous cette nouvelle administration. Quoique l'armée de Maillebois joint aux Bavarois, fut encore sur les frontières de l'Autriche, le prince de Lobkowitz avec seize mille Hongrois tenait toujours le maréchal de Belle-Isle bloqué dans Prague avec seize mille Français. Le corps de M. de Belle-Isle était presque tout composé d'infanterie, et celui des Autrichiens, de cavalerie. Cette situation inquiétait M. d'Argenson : soit par impatience, soit par humeur, soit par légèreté, ce robin fit expédier au maréchal de Belle-Isle l'ordre d'évacuer Prague. Cet ordre était plus facile à donner qu'à exécuter. Le maréchal de Belle-Isle fit ses dispositions en conséquence : il fit sortir la garnison le 18 de décembre au soir, par un froid très-perçant; il gagna trois marches sur le prince Lobkowitz, et, enfilant un chemin difficile qui donnait peu de prise à<5> la cavalerie de l'ennemi, il continua de longer l'Éger, et arriva le dixième jour de sa marche à la ville d'Éger. Quatre mille hommes périrent de misère et de froid par les marches forcées qu'on leur fit faire; et cette armée délabrée, réduite à huit mille combattants, fut partagée : ce qui était encore en état de servir, joignit M. de Maillebois en Bavière, et les corps entièrement ruinés furent envoyés en Alsace pour se recruter.

La Bohême fut ainsi conquise et perdue, sans qu'aucune victoire ni des Français ni des Autrichiens eût décidé entre eux du sort des empires. Dans tout autre pays que la France, une retraite comme celle de M. de Belle-Isle aurait causé une consternation générale : en France, où les petites choses se traitent avec dignité et les grandes légèrement, on ne fit qu'en rire, et M. de Belle-Isle fut chansonné. Des couplets ne mériteraient certainement pas d'entrer dans un ouvrage aussi grave que le nôtre; mais comme ces sortes de traits marquent le génie de la nation, nous croyons ne point devoir omettre ce couplet-ci :

Quand Belle-Isle partit une nuit
De Prague à petit bruit,
Il dit, voyant la lune :
Lumière de mes jours,
Astre de ma fortune,
Conduisez-moi toujours.

En pareille occasion, on aurait jeûné à Londres, exposé le sacrement à Rome, coupé des têtes à Vienne : il valait mieux se consoler par une épigramme.

La retraite du maréchal Belle-Isle eut le sort de toutes les actions des hommes : il y eut des fanatiques qui par zèle la comparèrent à la retraite des Dix mille de Xénophon; d'autres trouvaient que cette fuite honteuse ne pouvait se comparer qu'à la défaite de<6> Guinegate. Ils avaient tort les uns et les autres : seize mille hommes qui évacuent Prague, et se retirent de la Bohême devant seize mille hommes qui les poursuivent, n'ont ni les dangers à courir, ni la longueur des chemins à traverser qu'eurent les troupes de Xénophon pour retourner du fond de la Perse en Grèce; mais aussi ne faut-il pas outrer les choses, et comparer une marche où les Français ne purent être entamés par les ennemis, à une défaite totale. Les dispositions de M. Belle-Isle étaient bonnes; le seul reproche qu'on puisse lui faire, est de n'avoir pas dans sa marche assez ménagé ses troupes.

Dès lors la fortune de la reine de Hongrie prit un air plus riant. Le maréchal Traun défit en Italie M. de Gages, qui passait le Panaro pour l'attaquer. Cette victoire ne satisfit point la cour de Vienne : elle trouva que le maréchal Traun n'en avait pas assez fait; elle voulait des batailles qui eussent de grandes suites. Enfin ce maréchal fut jugé comme Apollon par Midas; et c'était cependant le premier de leurs généraux qui eût triomphé de leurs ennemis. La maison d'Autriche commençait à regagner des provinces perdues, et assurait celles qui étaient menacées. Cela ne l'empêchait pas d'être accablée par le poids de cette guerre; peut-être y aurait-elle succombé, si ces premières lueurs de prospérité n'eussent ranimé la bonne volonté de ses alliés.

Le roi d'Angleterre donna des marques du plus grand zèle pour le soutien de la reine de Hongrie. Les motifs qui le faisaient agir ainsi étaient en grande partie une haine invétérée qu'il portait à la France. Il avait servi dans sa jeunesse contre cette puissance; il s'était trouvé à la bataille d'Oudenarde, où il avait chargé à la tête d'un escadron hanovrien, en donnant des marques d'une valeur distinguée; il ambitionnait de se trouver à la tète des armées pour jouir de la gloire des héros. L'occasion s'en présentait, il avait des troupes en Flandre : en se déclarant pour la Reine, en passant la mer, personne ne pouvait lui disputer le commandement de ses troupes; de plus, il<7> pouvait augmenter son trésor de Hanovre par les subsides que les Anglais lui payeraient pour ses Hanovriens.

Pour le lord Carteret, il avait besoin de la guerre pour se soutenir auprès de son maître et auprès de la nation anglaise. Le commerce de ces insulaires était gêné depuis qu'ils étaient en guerre avec l'Espagne : pour décider par quelque grand coup ces affaires de commerce, il fallait qu'il fût frappé sur terre et en Europe. La France passait pour à demi ruinée par les efforts qu'elle avait faits pour soutenir la Bavière et la Bohême; elle était l'alliée de l'Espagne : en frappant l'une de ces puissances, l'on frappait l'autre. Il fallait donc battre les Français, soit en Allemagne soit en Flandre, pour gagner sur mer une supériorité qui pût produire un avantage réel pour le commerce de l'Angleterre. Le Roi, son ministre et la nation tendant au même but, quoique par des vues différentes, il fut résolu d'envoyer au cœur de l'Allemagne ces troupes anglaises, hanovriennes et hessoises qui se trouvaient en Flandre.

Autant ce projet pouvait convenir au roi d'Angleterre, d'autant moins convenait-il au roi de Prusse : il ne devait pas perdre de vue cet équilibre politique que, pendant la guerre même, son intérêt l'obligeait de maintenir entre les puissances belligérantes. Si la maison d'Autriche gagnait une supériorité décidée dans l'Empire sur la maison de Bavière, la Prusse perdait son influence dans les affaires générales : il fallait donc empêcher que le roi d'Angleterre et la reine de Hongrie, aveuglés par les succès auxquels ils devaient s'attendre, ne détrônassent l'Empereur. La voie des représentations était la seule qui convint au roi de Prusse; et, se servant des arguments qui peuvent convenir à un prince allemand zélé pour sa patrie et pour la liberté du corps germanique, il conjura le roi d'Angleterre de ne pas rendre, sans des raisons très-importantes, l'Empire le théâtre d'une guerre qui était près de s'allumer, et de se souvenir qu'il n'est point permis à un membre du corps germanique d'introduire, sans<8> la sanction de la diète, des troupes étrangères dans sa patrie. C'était tout ce que ce prince pouvait faire à l'égard des conjonctures où il se trouvait : il ne pouvait pas compter sur la France, qu'il avait indisposée contre lui par la paix de Breslau; il ne pouvait se brouiller avec les Anglais, qui étaient les seuls garants qu'il eût de cette paix. Les choses n'en étaient pas venues à une extrémité assez importante pour replonger ses États dans une nouvelle guerre : il fallait donc se contenter de la promesse du roi d'Angleterre, qui s'engagea de ne rien entreprendre, ni contre la dignité de l'Empereur, ni contre ses États patrimoniaux.

Ce n'était pas avec les Anglais seuls qu'on négociait. Le Roi avait entamé une autre négociation à Pétersbourg pour des intérêts qui le touchaient plus directement : il s'agissait d'obtenir de l'impératrice de Russie la garantie du traité de Breslau. Ce furent les Anglais et les Autrichiens qui s'y opposèrent de toutes leurs forces, quoique sous main. Les deux frères Bestusheff, ministres de l'Impératrice, séduits par l'appât de dix mille guinées, trouvèrent, par les difficultés qu'ils firent naître, le moyen d'accrocher continuellement la fin de cette affaire. La reine de Hongrie regardait la cession qu'elle avait faite de la Silésie comme un acte de contrainte, dont elle pouvait appeler avec le temps, en rejetant sur la nécessité ce que la rigueur des conjonctures l'avait forcée d'accepter malgré elle. Les Anglais voulaient isoler le roi de Prusse, et le priver de tout appui, pour l'avoir entièrement sous leur dépendance. De quelque façon que les princes cachent ces sortes de vues, il est bien difficile pour eux de les rendre impénétrables.

Ce fut alors que la paix de Friedrichshamn fut ratifiée entre la Russie et la Suède. La perte d'une partie inculte de la Finlande8-a fut le moindre mal dont la Suède eut à se plaindre : le despotisme que les Russes exercèrent à Stockholm, mit le comble à l'opprobre de<9> cette nation; un sujet de l'Impératrice était considéré en Suède comme un sénateur romain du temps de César pouvait l'être dans les Gaules.

Une nation malheureuse ne manque jamais d'ennemis. Les Danois voulurent profiter des calamités de la Suède. La diète de Stockholm était assemblée pour ratifier la paix qui venait de se conclure avec la Russie, et pour nommer un successeur au trône; le roi de Danemark, dans le dessein d'unir les trois couronnes de la Suède, du Danemark et de la Norwége sur la tête de son fils le prince royal, excita une rébellion dans la Carélie, souleva des prêtres, corrompit quelques bourgeois; mais il trouva tant de difficultés dans l'exécution de son plan, que ce plan avorta avant sa naissance. Les troupes danoises et suédoises s'assemblaient déjà sur les frontières; la diète de Stockholm s'empressait à trouver des secours : elle demanda les bons offices du roi de Prusse pour moyenner un accommodement avec ses voisins. Le Roi s'intéressa pour eux, et le roi de Danemark lui répondit qu'eu égard à ses exhortations, il ne précipiterait pas les choses. Mais ce qui paraîtra presque incroyable, c'est que ces mêmes Suédois qui venaient de faire une paix si déshonorante avec la Russie, implorèrent la protection de l'Impératrice contre les Danois. Élisabeth la leur accorda, et elle fit partir le général Keith sur des galères qui portaient dix mille hommes de secours. Ce fut alors qu'à la faveur de ces troupes le prince de Holstein, évêque de Lübeck, fut élu, au lieu du prince danois, successeur du vieux roi de Suède, landgrave de Hesse. Ainsi, à peu près dans le cours de la même année, la Suède fut battue, protégée, et enfin donnée au prince de Holstein par l'impératrice de Russie. Le sénat de Stockholm se consola de tant d'infortunes par des cruautés : il fit périr les généraux de Buddenbrock et de Lewenhaupt sur l'échafaud. On les accusa de trahisons et de perfidies, mais rien ne fut prouvé : ils n'étaient coupables que par ignorance et par trop de faiblesse.

<10>Mais il est temps de quitter ces scènes tragiques qui se représentaient dans le Nord pour retourner au Sud, et pour voir ce qui se passa dans la Bohème après que les Français l'eurent abandonnée. La reine de Hongrie se rendit à Prague pour recevoir l'hommage de ce royaume, au recouvrement duquel sa fermeté avait autant et plus contribué que la force de ses armes. Le jour même de son couronnement, elle apprit que le maréchal de Khevenhüller ayant marché de Schärding à Braunau, en avait chassé le général Minucci, qui commandait un corps de sept à huit mille Impériaux; les détails de cette affaire nous sont parvenus par des officiers prussiens qui firent cette campagne en volontaires10-a avec les Autrichiens. M. de Khevenhüller voulut rassembler ses troupes à Schärding, place située sur l'Inn, proche des frontières de l'Autriche; ses troupes, sortant de leurs quartiers d'hiver, s'y rendirent par différentes routes. Malgré les précautions que cet habile officier prit de cacher ses desseins, le maréchal de Seckendorff en fut informé, et il donna ordre à M. de Minucci de se retirer de Braunau. Ce général peu intelligent ne sut ni disposer sa retraite pour obéir aux ordres de son chef, ni se choisir un terrain avantageux pour attendre l'ennemi et pour lui résister. M. de Khevenhüller se trouva bientôt en présence des Bavarois; il trouva le front de Minucci inattaquable, ayant un profond ravin qui séparait les deux armées; sa droite était appuyée à Braunau, que l'on avait fortifié en hâte durant le dernier hiver. Mais autant que ce poste était fort par sa droite et par son front, autant était-il faible sur sa gauche. M. de Khevenhüller s'en aperçut au premier coup d'œil; il détacha M. de Berlichingen avec un gros de cavalerie, qui tourna les Impériaux, et, prenant des chemins détournés, tomba sur<11> cette aile qui était en l'air, tandis que Nadasdy avec ses hussards attaqua les troupes de Minucci de front. Ce ne fut point une bataille : les Bavarois s'enfuirent sans s'être défendus; une partie de leur cavalerie se sauva dans Braunau, leur infanterie se réfugia sur les glacis de la ville. Minucci, la plus grande partie de ses troupes, et la ville de Braunau, se rendirent tout de suite à leur vainqueur; quelques débris de cette cavalerie prirent le chemin de Burghausen, où les Impériaux avaient encore un corps de troupes.

Les Français qui étaient à Osterhofen n'attendirent pas l'approche des Autrichiens. Le vieux Broglie, qui commandait cette armée avec les maréchaux de Maillebois et de Seckendorff, avait été vivement pressé par Seckendorff de prévenir l'ennemi, et d'assembler ses troupes avant que M. de Khevenhüller fût en état de rien entreprendre; mais ce fut en vain. Ses ennemis prétendaient même qu'il n'était pas fâché de voir le mauvais succès d'une guerre à laquelle le maréchal de Belle-Isle avait le plus contribué; d'autres soutiennent, avec plus d'apparence, qu'il avait des ordres de la cour de retourner en France et d'abandonner la Bavière. Quoi qu'il en soit, sa conduite sembla autoriser cette dernière opinion, et la cour ne lui témoigna aucun mécontentement à son retour.

Les Autrichiens surent profiter de l'avantage qu'ils avaient d'être en corps et d'agir contre des troupes séparées par bandes. Le prince de Lorraine arriva au camp, et, sans s'arrêter, délogea les Français de Deckendorf; tout plia devant lui : à mesure qu'il s'avançait, les troupes françaises recevaient ordre de se retirer. Quelques rivières assez considérables, qui ont leur source dans le Tyrol, qui traversent la Bavière et vont se jeter dans le Danube, fournissent aux généraux qui veulent se défendre la facilité d'en disputer les bords; mais le prince de Lorraine les passa sans y trouver de résistance. Broglie décampa de Straubing, où il avait un gros magasin, en y laissant une faible garnison, qu'il sacrifiait à l'ennemi. Un secours de dix mille<12> Français était déjà arrivé à Donauwerth pour le joindre; ils devinrent les compagnons de sa fuite; et malgré les plus fortes représentations de M. de Seckendorff, les Français l'abandonnèrent, et ne s'arrêtèrent qu'à Strasbourg, où M. de Broglie donna un bal le jour de son arrivée, apparemment pour célébrer la campagne brillante qu'il venait de terminer.

Le malheureux Seckendorff s'occupa à rassembler les débris de ses Impériaux qui s'étaient si lâchement conduits à Braunau; il les joignit au corps qui était à Burghausen, et se retira en hâte sur Munich, qu'il abandonna pour se joindre à l'armée française; mais assuré que ces troupes voulaient repasser le Rhin, il écrivit au maréchal de Broglie que comme les Français abandonnaient l'Empereur, ce prince se voyait contraint de les abandonner de même, et de chercher ses sûretés où il les trouverait. Aussitôt il demanda au prince de Lorraine et à M. de Khevenhüller de vouloir convenir avec lui d'une suspension d'armes, dont il obtint l'équivalent, car les Autrichiens lui promirent de respecter les troupes impériales en tant qu'elles occuperaient un territoire neutre de l'Empire. Les Autrichiens, aveuglés par leurs succès, avaient trop de mépris pour ces troupes pour vouloir les désarmer; ils volaient vers le Rhin, soutenus de la chimérique espérance de reconquérir la Lorraine. La prospérité est à la guerre souvent plus dangereuse que l'infortune : aux uns elle inspire une trop grande sécurité, et d'autres, elle les rend trop téméraires. Le plus grand général du monde serait celui qui, dans les diverses fortunes, conserverait un esprit égal, et qui ne séparerait jamais l'activité de la prudence.

Tandis que le prince de Lorraine s'acheminait vers le Rhin, l'Allemagne était inondée d'une nouvelle armée étrangère, qui, sous prétexte de la protéger, concourait à sa ruine. Le roi d'Angleterre avait envoyé vers le Bas-Rhin ses troupes hanovriennes et anglaises sous le commandement du lord Slair. George passa lui-même la mer, et<13> vint à Hanovre, pour se mettre ensuite à la tête de son armée. Le lord Stair, qui était à Höchst, risqua de passer le Main; les Français, qui l'épiaient, l'obligèrent d'abord à reprendre sa première position. Ce pas de clerc fit appréhender au roi d'Angleterre que son général, trop fougueux par tempérament, ne commît quelque imprudence plus forte, et il se hâta de prendre lui-même le commandement de ses troupes. Ce corps était composé de dix-sept mille Anglais, seize mille Hanovriens et dix mille Autrichiens, ce qui faisait le nombre de quarante-trois mille combattants; six mille Hessois et quelques régiments hanovriens étaient encore en marche pour le joindre. Le lord Stair avait agi avec si peu de prudence, que ses soldats manquaient de pain, et ses chevaux, de fourrage. Pour subvenir à cet inconvénient, le Roi vint se camper auprès d'Aschaffenbourg; mais ce remède ne suffit pas pour obvier à la négligence qu'on avait eue de ne pas amasser assez de vivres. Le Rhin pouvait fournir des secours; et le Roi, s'éloignant de cette rivière, se trouva plus resserré qu'auparavant par le Main et par les Français qui gardaient l'autre bord, et sur ses derrières par les montagnes arides du Spessart : il ne s'aperçut que trop tôt de sa faute. Le maréchal de Noailles affama le monarque anglais dans son camp; et comme il prévit que celui-ci ne pouvait y rester que peu de jours, Noailles conçut un dessein digne du plus grand capitaine : il prit Dettingen, et fit construire deux ponts sur le Main, et préparer à côté des gués pour sa cavalerie. Toutes ces choses s'exécutèrent sans que le roi d'Angleterre en eût vent : c'était le prélude de la bataille qui devait se donner bientôt.

Pour en avoir une idée précise, il est bon de savoir que l'armée anglaise, affamée vers les sources du Main, ne pouvait trouver des subsistances qu'en prenant le chemin de Hanau. Sa gauche, longeant toujours le Main au sortir de ces monticules, traversait la petite plaine de Dettingen. M. de Noailles, en connaissance de cause, tenait un détachement tout prêt pour occuper Aschaffenbourg au moment<14> où les Anglais en sortiraient. Il avait fait dresser tout le long du Main des batteries masquées, dont il pouvait tirer à bout portant sur les colonnes des alliés en marche; la plus forte partie de son armée devait passer le Main, pour se ranger derrière un ruisseau qui du Spessart coule devant ce front, et va se jeter dans le Main : ces troupes coupaient précisément le chemin de Hanau. Le roi d'Angleterre trouvait donc à ce débouché une armée en face et des batteries en flanc. Si le maréchal de Noailles avait aussi exactement exécuté ce projet qu'il l'avait conçu avec sagesse, le roi d'Angleterre aurait été forcé, ou d'attaquer l'armée française dans un poste très-avantageux, pour s'ouvrir l'épée à la main le passage à Hanau, ou bien de se retirer par les déserts du Spessart, où ses troupes se seraient infailliblement débandées, faute de subsistances. La faim chassa les Anglais d'Aschaffenbourg, comme Noailles l'avait prévu. Les troupes, qui avaient campé par corps, ne marchaient point par colonnes, mais se suivaient par distances : premièrement les Hanovriens, puis les Anglais et enfin les Autrichiens. Le Roi était dans son carrosse auprès des troupes de Hanovre; on l'avertit pendant la marche que son avant-garde était attaquée par un gros de cavalerie française, et, bientôt après, que toute l'armée française avait passé le Main et se trouvait en bataille vis-à-vis de lui. Le Roi monte à cheval, il veut voir par lui-même : voilà la canonnade des Français qui commence; son cheval prend l'épouvante, et allait l'emporter au milieu des ennemis, si un écuyer ne se fût jeté en avant pour l'arrêter. George renvoya le cheval, et combattit à pied à la tête d'un de ses bataillons anglais. Les troupes avaient un petit bouquet de bois à passer; ce qui leur donna le temps d'avertir les autres corps du danger qui les menaçait. Le duc d'Aremberg et M. de Neipperg accoururent avec leurs Autrichiens, et formèrent leur armée vis-à-vis de celle des Français aussi bien que les circonstances le leur purent permettre. Ce champ de bataille n'ayant que douze cents pas de front, obligea les alliés<15> à se mettre sur sept ou huit lignes. Les Français ne leur laissèrent pas le temps de finir tranquillement leur disposition; la maison du Roi les attaqua, perça par quatre lignes de cavalerie, renversa tout ce qu'elle rencontra, et fit des prodiges de valeur : elle aurait peut-être remporté l'honneur de cette journée, si elle n'avait pas sans cesse trouvé de nouvelles lignes à combattre. Ces attaques réitérées l'ayant mise en désordre, le régiment de Styrum autrichien s'en aperçut, et la fit reculer à son tour. Cela n'aurait pas fait perdre la bataille aux Français : la véritable cause ne doit s'attribuer qu'au mouvement imprudent de M. de Harcourt et de M. de Grammont. Ils étaient à la droite de l'armée avec la brigade des gardes françaises; ils quittent leur poste sans ordre, et s'avisent de vouloir prendre en flanc la gauche des alliés, qui tirait vers le Main : par cette manœuvre ils empêchèrent leurs batteries, qui étaient au delà du Main, et qui incommodaient beaucoup les alliés, de tirer. Les gardes françaises ne soutinrent pas la première décharge des Autrichiens : elles prirent la fuite d'une manière honteuse, et se précipitèrent dans le Main, où elles se noyèrent; d'autres portèrent le découragement et l'épouvante dans le reste de l'armée. Le prince Louis de Brunswic, qui servait dans les troupes autrichiennes, eut toutes les peines à persuader au roi d'Angleterre de faire avancer les Anglais; ce furent cependant eux qui décidèrent les Français à la retraite et à repasser le Main.

Les Français plaisantèrent de leur retraite. On appela cette action la journée des bâtons rompus, parce que M. de Harcourt et M. de Grammont n'avaient attaqué que dans l'espérance d'obtenir le bâton de maréchal comme une récompense due à leur valeur; on donna aux gardes françaises le sobriquet de canards du Main; on pendit une épée à l'hôtel de Noailles avec l'inscription : Point homicide ne seras. Sans doute que ce maréchal ne devait pas se tenir auprès de sa batterie au delà du Main : s'il avait été auprès de l'armée, il n'aurait jamais permis aux gardes françaises d'attaquer si mal à propos; et si les<16> troupes étaient demeurées dans leur poste, jamais les alliés ne les auraient forcées.

Cette journée ne valut au roi d'Angleterre que des subsistances pour ses troupes. Le canon des Hanovriens fut bien servi; quelques régiments de leurs troupes et quelques régiments autrichiens, surtout celui de Styrum, s'y distinguèrent. M. de Neipperg eut le plus de part au gain de cette bataille, et fut bien secondé par le prince Louis de Brunswic. Je tiens de ce prince, qui se trouva sur les lieux, que le roi d'Angleterre demeura pendant toute la bataille, à pied devant son bataillon hanovrien, le pied gauche en arrière, l'épée à la main et le bras droit étendu, à peu près dans l'attitude où se mettent les maîtres d'armes pour pousser la quarte : il donna des marques de valeur, mais aucun ordre relatif à la bataille. Le duc de Cumberland combattit avec les Anglais à la tête des gardes; il s'y fit admirer par sa bravoure et par son humanité : blessé lui-même, il voulut que le chirurgien pansât avant lui un prisonnier français criblé de coups.

Les alliés ne pensèrent point à poursuivre les Français, ils ne pensèrent qu'à trouver des subsistances dans leur magasin de Hanau. Le vainqueur, après avoir soupe sur le champ de bataille, poursuivit incessamment sa route pour se rapprocher de ses vivres. Ce qu'il y eut de fort extraordinaire, c'est qu'après cette bataille gagnée, le lord Stair pria par un billet le maréchal de Noailles d'avoir soin des blessés qui se trouvaient sur le champ de bataille, que les vainqueurs abandonnaient. Comme les alliés portaient tous des rubans verts sur leurs chapeaux, on attacha une branche de laurier à celui du Roi, qui la porta sans scrupule : ce sont des misères, mais elles peignent les hommes.

Cette victoire ne fit pas autant de plaisir au roi de Prusse qu'en avait ressenti le roi d'Angleterre. Il était à craindre que le ministère français, peu ferme, et découragé par une suite de revers, ne sacrifiât<17> la gloire de Louis XV et les intérêts de l'Empereur, pour se tirer des embarras renaissants qui l'environnaient. Pour éclairer les démarches des alliés, le Roi fit partir le jeune comte Finck,17-a sous prétexte de féliciter le roi d'Angleterre sur sa victoire, mais réellement pour veiller à la conduite du lord Carteret, et pour découvrir les négociations qui pourraient s'entamer dans ce camp. Le prince de Hesse, Guillaume, frère du roi de Suède, était très-bien intentionné pour les intérêts de l'Empereur : on se servit de son canal pour faire parvenir au lord Carteret quelques propositions d'accommodement pour concilier la Bavière et l'Autriche; mais cet Anglais n'était pas assez fin pour dissimuler le fond de ses pensées, et l'on s'aperçut qu'il ne voulait point d'accommodement; que son maître voulait la guerre, la reine de Hongrie, le trône impérial pour son époux; et que les uns et les autres désiraient également la ruine du Bavarois. Le roi d'Angleterre trahit bientôt le caractère de protecteur de l'Empire qu'il avait pris : un rôle d'emprunt est difficile à soutenir, on n'est jamais bien que soi-même. Il refusa avec fierté les dédommagements que divers souverains lui demandaient pour le dégât que ses troupes avaient commis dans leur pays, et refusa de même le payement des denrées et des fourrages que ces princes lui avaient livrés. Le Roi se servit d'une expression singulière, dans une pièce qu'il fit imprimer pour éluder ces bonifications; il y dit : " que c'est le moins que les princes de l'Empire puissent faire, que de défrayer l'armée de leur libérateur et de leur sauveur; que, cependant, il aviserait à les payer selon que ces États se conduiraient envers lui. " Cette hauteur acheva d'aliéner les esprits : le monarque le plus despotique ne s'ex<18>prime pas en termes plus impérieux. Le Roi agissait par intérêt; Carteret était violent : ces sortes de caractères n'emploient que rarement des expressions modérées.

Pendant que tous ces événements s'étaient passés sur le Main, le prince de Lorraine poursuivait les Français jusqu'au bord du Rhin. Son armée était partagée en trois colonnes : tandis qu'elle s'avançait vers les frontières de l'Alsace, lui et le maréchal Khevenhüller se rendirent à l'armée anglaise; ce qui était d'autant plus facile que M. de Noailles avait repassé le Rhin à Oppenheim. Le roi d'Angleterre voulut établir un concert moyennant lequel les mouvements des deux armées seraient si bien compassés les uns avec les autres, qu'ils tendraient au même but, qui était, selon le projet dont on convint, de reprendre la Lorraine. A cette fin le roi d'Angleterre devait passer le Rhin à Mayence, et se porter en droiture en Alsace, pour faciliter au prince de Lorraine les moyens de passer le Rhin à Baie, de prendre la Lorraine, et ensuite de partager les troupes victorieuses en quartiers d'hiver, tant en Bourgogne qu'en Champagne. Ces desseins étaient vastes; l'exécution répondit mal à leur grandeur. Le roi d'Angleterre, qui ne se voyait arrêté par aucune difficulté, passa le Rhin à Mayence, et se porta sur Worms. Le prince de Lorraine, moins heureux, fit passer quelques troupes dans une île du Rhin, et quelques Hongrois à l'autre bord; celles-là furent repoussées avec perte : l'île du Rhin fut abandonnée, et ce prince traîna languissamment dans le Brisgau la fin d'une campagne dont les commencements avaient été si brillants.

Le camp de Worms devint alors, par l'inaction des troupes, le centre des négociations. Les Français se servirent de toutes sortes de voies pour tâter le terrain : ils firent des ouvertures au lord Carteret, et hasardèrent quelques propos pour sonder le terrain, et voir à quelles conditions on pourrait convenir de la paix. Les desseins du roi d'Angleterre allaient beaucoup au delà de tout ce que la France<19> pouvait lui offrir avec bienséance. Le roi George, qui savait que le roi de Prusse était informé de ces pourparlers, voulut se servir de ces circonstances pour lui faire illusion. Il lui communiqua un projet de pacification, par lequel la France s'offrait d'assister la reine de Hongrie dans la conquête de la Silésie, à condition que celle-ci reconnût l'Empereur, et le remît dans la paisible possession de la Bavière. Le lord Hyndford se rendit en Silésie, où le Roi était alors, pour lui faire cette ouverture; mais c'était d'un air si empressé, qu'au lieu de convaincre ce prince de la vérité de la chose, on lui fit soupçonner que ces propositions de la France étaient fausses et controuvées. Les dispositions du roi d'Angleterre envers la Prusse étaient trop connues; sa mauvaise volonté se manifestait envers le comte de Finck. Tout cela confirma le Roi dans l'opinion que cette communication cordiale était un piège que lui tendait la politique rusée de Carteret; il répondit cependant au lord Hyndford, qu'il était très-sensible aux marques d'amitié que le roi d'Angleterre lui donnait dans cette occasion, mais que comptant sur la bonne foi de la reine de Hongrie, sur la sagesse du roi George et sur sa garantie même, il était sûr qu'ils n'entreraient jamais dans des vues aussi opposées à leurs engagements, et dont l'accomplissement serait plus difficile à effectuer qu'on ne le pensait. Le ministre anglais ne s'attendait pas à cette réponse, et ne put empêcher que son mécontentement n'éclatât sur son visage. Mais quelle apparence de croire que le roi de France eût recours à un expédient aussi ridicule pour moyenner sa paix avec l'Impératrice-Reine, que celui de se plonger dans une nouvelle guerre, et de se rendre lui-même l'artisan de la grandeur de la maison d'Autriche, que les intérêts permanents de son royaume l'obligeaient à rabaisser? N'était-il pas plus naturel de supposer que c'était une fable ourdie par le lord Carteret, pour indisposer le roi de Prusse contre la France? Carteret ne pouvait-il pas raisonner ainsi : le roi de Prusse est vif, il prend feu aisément; une ouverture pareille<20> à celle que nous lui faisons, le transportera de colère : le lord Hyndford en profitera en l'aigrissant au point de le faire déclarer contre la France, et en ce cas nous aurons acheté ce secours à bon marché? Il faut avouer cependant que cet avis du lord Hyndford était circonstancié avec des détails si spécieux, qu'il méritait qu'on s'en éclaircît avant que de le rejeter tout à fait. Voici ces détails : un certain Hertzel, émissaire de la France, était venu chez l'électeur de Mayence pour insinuer à ce prince les propositions qu'il voulait faire parvenir aux Anglais. Les intrigues des Autrichiens avaient fait élire cet Ostein électeur de Mayence dans la place de ce Schönborn20-a qui avait couronné Charles VII. Cet Ostein était une créature des Autrichiens; il était de plus soudoyé par des subsides des Anglais, auxquels il s'était vendu sans réserve. On envoya le comte de Finck à Mayence pour éclaircir ce fait, et l'on mit tout en mouvement en France pour voir s'il y aurait moyen de pénétrer la vérité : toutes ces peines furent perdues. Peut-être que Hertzel avait tenu de lui-même des propos qui donnèrent lieu à cette histoire; c'était un abîme de mauvaise foi : il aurait fallu un nouvel Oedipe pour expliquer ce mystère.

Une négociation plus importante commençait à se lier alors : la cour de Versailles se proposait de faire entrer le roi de Sardaigne dans les intérêts de la France et de l'Espagne. Il subsistait à la vérité un traité provisionnel entre Charles-Emmanuel et Marie-Thérèse, mais conçu avec tant d'ambiguité et en termes si généraux, qu'on pouvait le rompre sans manquer de foi. La négociation des Français avançait à Turin, et aurait pu se conclure, si les Français et les Espagnols n'eussent pas trop marchandé sur de petits intérêts. Le lord Carteret fut informé de ce qui se tramait à Turin; il ne marchanda<21> point : ses offres, aux dépens des Autrichiens, surpassèrent celles des Français, et il eut le roi de Sardaigne. Par ce traité, la reine de Hongrie lui cédait le Vigevanasc, le Tortonois et une partie du duché de Parme, et le roi de Sardaigne lui garantissait tout ce qu'elle possédait en Italie, s'engageant à la défendre de toutes ses forces. Ce traité fut ainsi arrangé et conclu à Worms.

La cour de Vienne était outrée des cessions que les Anglais l'obligeaient de faire sans cesse : on y envisageait les Anglais comme de plaisants garants de la pragmatique sanction, qui l'ébréchaient sans cesse. Le roi de Prusse jugea cette disposition favorable pour persuader aux Autrichiens des sentiments plus pacifiques; il leur fit représenter que le rôle qu'ils jouaient en Europe ne leur était pas convenable; que si l'Empereur passait pour la marionnette de Louis XV, ils passaient pour être celle de George II, et que la paix était pour eux le seul moyen de se tirer de la tutelle de l'Angleterre. Ces représentations les piquèrent d'autant plus que les faits étaient véritables; mais cela n'empêcha pas que l'espoir de conquérir la Lorraine ne les entraînât à poursuivre leurs mesures. Le roi de Prusse voulait la paix : il prêchait la modération à toutes les puissances; il tâchait d'adoucir les unes, et d'arrêter les autres. C'était beaucoup que d'empêcher qu'on ne jetât de l'huile dans le feu : il se serait éteint à la fin, faute d'aliment. Mais les meilleures intentions ne s'accomplissent pas toujours. Les guinées anglaises commençaient à mettre en fermentation la république de Hollande. Ceux qui étaient du parti d'Orange voulaient la guerre; les vrais républicains voulaient le maintien de la paix. La force des guinées l'emporta enfin sur l'éloquence des meilleurs citoyens, et les Provinces-Unies épousèrent les intérêts de la reine de Hongrie, qui leur étaient étrangers, et les desseins de Carteret, qu'ils ignoraient : ils envoyèrent21-1 vingt mille hommes pour renforcer l'armée de Worms, dont quatorze mille la joignirent, et le reste se débanda.

<22>Le maréchal de Noailles, après avoir passé une partie de cette campagne derrière le Speyerbach, abandonna cette position pour se rapprocher de Landau, et se trouver à portée de joindre le maréchal de Coigny, qui avait pris le commandement des troupes du vieux Broglie, au cas que le prince de Lorraine forçât le passage du Rhin et pénétrât en Alsace. Le roi George suivit les Français jusqu'au Speyerbach, où il termina les opérations de cette campagne, après avoir fait raser les lignes que les Français avaient fait construire sur ses bords. Il retourna à Hanovre, et les troupes prirent des quartiers dans le Brabant et dans l'évêché de Münster. George, pendant son séjour à Hanovre, maria sa fille Marie avec le prince royal de Danemark; après quoi, il prit le chemin de Londres, pour y faire à son parlement, dans une harangue pompeuse, le récit de ses exploits.

Pour se convaincre du peu de suite qu'il y a dans les actions des hommes, il n'y a qu'à faire l'analyse de cette campagne. On assemble une armée sur le Main, sans pourvoir à ses subsistances; la faim et la surprise obligent les alliés à se battre; ils sont vainqueurs des Français; ils passent le Rhin; ils vont à Worms; le Speyerbach les arrête, sans qu'ils trouvent des expédients pour en déposter les ennemis; ils avancent enfin sur le Speyerbach, que M. de Noailles leur abandonne, et ils ne reçoivent les secours des Hollandais que pour prendre des quartiers d'hiver dans le Brabant et dans la Westphalie. Rien n'est conséquent dans cette conduite : elle ressemble à l'opération d'un chimiste qui, cherchant la pierre philosophale, trouve une couleur dont il pouvait, se passer. Ce n'est point dans l'intention de critiquer la conduite du roi d'Angleterre que nous faisons ces réflexions, car bien d'autres généraux en ont fait autant, mais seulement pour convaincre les lecteurs que l'espèce humaine n'est pas aussi raisonnable qu'on voudrait le persuader.

Le peu de succès qu'eurent les Autrichiens et les Anglais dans cette campagne de 1743, donna aux Français le temps de se recon<23>naître et de prendre quelques mesures. Ils avaient à la vérité perdu la Bavière; mais leur amour-propre était flatté d'avoir empêché leurs ennemis de passer le Rhin et de pénétrer en Alsace.

Si la fortune changea souvent de parti dans cette guerre, l'intérêt ne changea pas moins la politique des souverains. Nous avons dit que le roi de Sardaigne avait signé le traité de Worms. Ce traité fut publié dans le temps même qu'il négociait encore avec la France et l'Espagne, et qu'on s'attendait à Versailles à recevoir d'un jour à l'autre des nouvelles de la conclusion du traité. Les ministres de Louis XV ne furent pas les maîtres de dissimuler leur ressentiment, et trouvant dans la conduite du roi de Sardaigne des marques de duplicité et de mépris, ils éclatèrent. Le ministre de France fut incessamment rappelé de Turin; un corps de dix mille hommes de troupes françaises se joignit au marquis de la Mina, qui commandait sous Don Philippe dans la rivière de Gênes. La Mina, pour forcer les passages du Piémont, tenta de pénétrer par Fort-Dauphin, mais le roi de Sardaigne l'avait prévenu : il s'y était retranché, et occupait deux forts qui sont sur des collines à droite et à gauche du passage. Les Savoisiens défendirent si vigoureusement cette gorge, que les Français et les Espagnols, repoussés de tous côtés, se retirèrent en Dauphiné, après avoir perdu six mille hommes dans cette expédition infructueuse.

La facilité qu'eut la cour de Vienne à faire entrer le roi de Sardaigne dans son alliance, lui persuada qu'elle pourrait se procurer un avantage semblable en Russie, pour fortifier par son assistance ce qu'elle appelait la bonne cause. La France le sut, et renvoya le marquis de La Chétardie à Pétersbourg, pour s'opposer aux desseins de ses ennemis. Cet envoyé, qui par son adresse avait placé Élisabeth sur le trône, croyait de recevoir dans sa mission des marques de reconnaissance de cette cour : il n'en emporta que des témoignages d'ingratitude. Ce pays était plein de fermentation; tant de souverains<24> déposés avaient indisposé ceux des grands qui avaient tenu à leur fortune : il ne manquait qu'un chef à la rébellion pour la faire éclater. Les puissances qui voulaient à toute force des secours de la Russie, et qui ne pouvaient les obtenir, profitèrent de ces germes de mécontentement qui commençaient à fermenter, pour tramer contre l'Impératrice une conspiration qui, par bonheur pour cette princesse, fut découverte. Pour développer cette dangereuse intrigue, il faut se rappeler que la cour de Vienne avait vu avec chagrin la catastrophe qui perdit le prince Antoine de Brunswic et son épouse : c'était assez que la France eût travaillé à cette révolution pour la rendre odieuse, d'autant plus qu'il était à présumer que l'impératrice Élisabeth n'oublierait pas le service que la France lui avait rendu, et marquerait plus de prédilection pour cette puissance que pour l'Autriche, surtout à cause de la proche parenté de la reine de Hongrie avec la famille détrônée. Cette supposition était suffisante pour que le ministère de Vienne se crût en droit de tout entreprendre pour travailler à la ruine de l'impératrice de Russie. Le marquis de Botta Adorno, envoyé de la reine de Hongrie à Pétersbourg, avait des instructions secrètes pour ourdir cette trame : il était dans cette cour comme un levain qui aigrissait les esprits de ceux qu'il fréquentait; il ameuta des femmes, et s'associa avec des personnes de tout rang et de tout caractère; il ajouta la calomnie à la trahison, en assurant de la protection du roi de Prusse ceux qui travailleraient pour son beau-frère et pour son neveu le jeune empereur détrôné. L'intention du marquis de Botta en se servant du nom du Roi dans celte intrigue, était de brouiller ce prince avec la Russie, en cas que la conjuration fut découverte. Elle le fut effectivement; mais le knout apprit à l'impératrice de Russie que Botta en était l'auteur. La chose se découvrit par un Russe étourdi et plein de vin, qui tint quelques propos séditieux dans un des cafés de Pétersbourg. Il fut arrêté par la police : lui et ceux de ses complices qu'on arrêta, avouèrent tout par la<25> crainte des tourments. On arrêta quarante personnes à Moscou, dont la déposition fut semblable à celle des premiers. La comtesse Jagusinsky25-a eut la langue coupée, la femme d'un Bestusheff frère du ministre, fut reléguée en Sibérie, et un grand nombre de personnes durent les jours infortunés qu'elles passèrent dans la suite, aux séductions du marquis de Botta. Ce ministre avait eu la précaution de se faire relever par un nouveau ministre avant que la conjuration dût éclater, pour ne point exposer sa personne et son caractère, au cas que les choses ne réussissent point. Il était accrédité à la cour de Berlin lorsque la conjuration se découvrit. Le Roi, ayant appris ce qui se passait en Russie, lui fit défendre la cour, et il se joignit à l'impératrice de Russie pour en demander satisfaction à la reine de Hongrie, parce que Botta avait également offensé l'Impératrice et le roi de Prusse. Ce qu'il y avait d'odieux dans la conduite de Botta rejaillit en partie sur sa cour. Si les Français donnèrent l'exemple d'une semblable entreprise, les Autrichiens ne devaient pas les imiter. Que deviendrait la sûreté publique et celle des rois mêmes, si l'on ouvrait la porte aux rébellions, aux empoisonnements, aux assassinats? Quelle jurisprudence peut autoriser de telles entreprises? La politique n'a-t-elle pas des voies honnêtes dont elle peut se servir, et faut-il perdre tous les sentiments de probité et d'honneur pour des vues d'intérêt, qui même sont trompeuses? Il est fâcheux que dans ce XVIIIe siècle, plus humain, plus éclairé que ceux qui l'ont précédé, la France et l'Autriche aient de semblables reproches à se faire.

La reine de Hongrie n'avoua ni ne désavoua son ministre. Cette fausse démarche de la cour de Vienne pouvait fournir à celle de<26> Berlin les moyens de s'unir plus étroitement avec celle de Pétersbourg : le Roi en écrivit à M. de Mardefeld, son ministre auprès de l'Impératrice. Cet habile négociateur essaya de donner une sphère plus étendue au traité qui subsistait entre les deux puissances.26-a Après bien des longueurs, il ne put obtenir qu'une garantie assez vague des États prussiens, conçue en termes si ambigus, qu'il ne valait pas la peine de l'avoir. Quoique ce traité26-b n'eût aucune force, il pouvait servir pour en imposer aux cours mal intentionnées pour les intérêts de la Prusse : pour faire illusion un stras vaut un diamant. C'était le comte Bestusheff qui dissuadait l'Impératrice de conclure une alliance plus intime avec le roi de Prusse. M. de La Chétardie, mécontent de ce ministre, travaillait à le déplacer; M. de Mardefeld fut autorisé à le seconder : l'expérience de Mardefeld ne put rien contre l'étoile de Bestusheff. Nous nous réservons à parler plus amplement, dans la suite de cet ouvrage, de toutes les intrigues des ministres à la cour de Russie.

Les cours étrangères intriguaient également à Berlin. Les Anglais ne quittaient pas leur projet d'engager insensiblement le Roi dans la guerre qu'ils faisaient à la France; et les Français désiraient qu'il vînt à leur secours, et les assistât par quelque diversion. Sur ces entrefaites Voltaire arriva à Berlin. Comme il avait quelques protecteurs à Versailles, il crut que cela était suffisant pour se donner les airs de négociateur; son imagination brillante s'élançait sans retenue dans le vaste champ de la politique : il n'avait point de créditif, et sa mission devint un jeu, une simple plaisanterie.26-c

<27>Dans cette paix dont jouissait la Prusse, deux objets intéressants étaient toujours présents à ses yeux, le soutien de l'Empereur, et la paix générale. Pour ce qui regardait l'Empereur, comme la France l'avait abandonné, le seul moyen qu'il y eût pour le soutenir, était de former, comme nous l'avons dit, une ligue des princes de l'Empire,27-a qui levassent l'étendard pour secourir le chef de l'empire germanique. On avait déjà essayé d'inspirer ces sentiments aux souverains de l'Allemagne, mais en vain. Le Roi, pour essayer par de nouveaux efforts s'il ne pourrait pas les déterminer à ce que leur intérêt et la gloire demandaient deux, entreprit lui-même de s'aboucher avec différents souverains. Sous prétexte de rendre visite aux margraves de Baireuth et d'Ansbach ses sœurs, il se rendit dans l'Empire : il poussa même jusqu'à Hohen-Oettingen, sous prétexte de voir les débris de l'armée bavaroise,27-b mais, dans le fond, pour délibérer avec le maréchal de Seckendorff sur les moyens qu'on pourrait mettre en jeu pour assister l'Empereur. Toutes les tentations, toutes les représentations, toutes les raisons furent inutiles. Les enthousiastes de la maison d'Autriche se seraient sacrifiés pour elle, et ceux qui étaient attachés à l'Empereur étaient si intimidés par tant de revers qui accablaient ce prince, qu'ils croyaient perdre leurs États le moment même qu'ils se résoudraient à le secourir.

La duchesse douairière de Würtemberg se trouva alors à Baireuth; elle désira que le Roi lui rendît ses fils, dont elle lui avait confié l'éducation. Le Roi jugea qu'il serait plus décent que ces princes partissent sous de plus favorables auspices; pour cet effet, il obtint de l'Empereur une dispense d'âge avant le terme ordinaire :<28> c'était un moyen d'attacher ce jeune prince aux intérêts de la France et de la Bavière.28-a

En pensant à la politique, le Roi ne négligeait pas l'intérieur du gouvernement de ses États. Les fortifications de la Silésie avançaient à vue d'œil. On creusa le grand canal de Plauen pour abréger la communication de l'Elbe à l'Oder. On avait approfondi le port de Stettin, et rendu navigable le canal de la Swine. Des manufactures de soie s'élevèrent; l'insecte qui produit cette matière précieuse, devint une source nouvelle de richesse pour les habitants de la campagne, et l'on ouvrit toutes les portes à l'industrie. L'Académie des Sciences fut renouvelée :28-b les Euler, les Lieberkühn, les Pott, les Marggraf en devinrent les ornements; depuis, M. de Maupertuis, si célèbre par ses connaissances et par son voyage de Laponie, devint le président de cette compagnie. Ainsi finit l'année 1743.

Toute l'Europe était en guerre, tout le monde intriguait : les cabinets des princes agissaient avec plus d'activité que les armées. La guerre avait changé de cause : il ne s'agissait, au commencement, que du soutien de la maison d'Autriche; alors, de ses projets de conquête. L'Angleterre commençait à gagner un ascendant dans la balance des pouvoirs, qui ne pronostiquait que des malheurs à la France; ce qui était fermeté dans l'Impératrice-Reine dégénérait en opiniâtreté, la générosité apparente du roi d'Angleterre, en vil intérêt pour son électorat. Mais la Russie demeurait encore en paix.

<29>Le roi de Prusse, toujours occupé à tenir en équilibre les puissances belligérantes, se flattait d'y parvenir, soit par des insinuations amicales, soit par des déclarations plus fortes, soit même par quelque ostentation. Mais que sont les projets des hommes! L'avenir leur est caché; ils ignorent ce qui doit arriver le lendemain : comment pourraient-ils prévoir les événements que l'enchaînement des causes secondes amènera dans six mois? Les conjonctures les entraînent, et les forcent souvent d'agir malgré leur volonté : dans ce flux et reflux de la fortune, la prudence ne peut que s'y prêter, agir conséquemment, ne point perdre son système de vue : mais jamais elle ne pourra tout prévoir.


10-a Le Roi avait envoyé alors, comme volontaires, à l'armée royale hongroise, vingt-six officiers, sous le commandement du colonel Bernard-Henri de Bornstedt. Ce dernier mourut en 1752, ayant le grade de lieutenant-général. Voyez Berlinische Nachrichten von Staats- und gelehrten Sachen, 1743, no 52 et 53.

17-a Charles-Guillaume comte Finck de Finckenstein, né le 11 février 1714, ami de jeunesse du Roi, revint précisément alors de Copenhague, où il avait rempli les fonctions de ministre plénipotentiaire. En 1744, il accompagna la princesse Ulrique en Suède, où il resta jusqu'à l'année 1746 en qualité d'envoyé extraordinaire. Le 25 février 1747, il fut élevé au rang de ministre d'État, et de ministre plénipotentiaire à la cour impériale de Saint-Pétersbourg. Enfin, le 4 juin 1749, le Roi le nomma second ministre de Cabinet.

20-a Jean-Frédéric-Charles comte d'Ostein devint, le 22 avril 1743, archevêque et électeur de Mayence. Son prédécesseur, le comte Philippe-Charles d'Eltz (voyez t. II, p. 31), avait régné depuis 1732, et était successeur de Lothaire-François baron de Schönborn, élu archevêque et électeur de Mayence le 2 mai 1695.
     L'empereur Charles VII fut couronné le 12 février 1742.

21-1 Août.

25-a La femme du comte Jagusinsky, mort en 1736, était née comtesse Anne Golowkin. Elle se remaria le 27 mai 1743 avec Michel Riumin comte Bestusheff. C'est elle qui fut si cruellement punie pour avoir pris part à la conspiration contre l'Impératrice. Aucune autre comtesse Bestusheff ne figure dans cette affaire.

26-a Voyez t. II, p. 71.

26-b Du 27 mars (nouv. style) 1743.

26-c Arrivé à Berlin le 30 août 1743, Voltaire soumit au Roi neuf points diplomatiques, précédés de ces mots pour toute introduction : " Votre Majesté aurait-elle assez de bonté pour mettre en marge ses réflexions et ses ordres? " Frédéric tourna la chose en plaisanterie, et ajouta à chacune de ces neuf propositions quelques railleries en prose ou en vers, et qui n'avaient en rien rapport à la politique. Voyez Œuvres de Voltaire, avec préfaces, avertissements, notes, etc. par M. Beuchot. Paris, 1831, t. LIV, p. 596-599.

27-a On voit ici la première idée de cette ligue entre les princes d'Allemagne, que le Roi ne parvint à réaliser que dans les dernières années de sa vie.

27-b Le Roi vit les débris de l'armée bavaroise à Wembdingen, ville située entre la principauté de Neubourg et le comté d'Oettingen. Voyez. Leben des Feldmarschalls Grafen Seckendorff, 2e partie, p. 325.

28-a Le 16 décembre 1741, la duchesse douairière de Würtemberg vint avec ses fils à Berlin, pour leur faire achever leur éducation sous les yeux de Frédéric. Le 7 janvier 1744, le Roi fit accorder au prince Charles-Eugène, fils aîné de la duchesse, une déclaration impériale de majorité, par laquelle il parvint au gouvernement le 3 février de la même année; le 6, le Roi lui fit présent de l'Enseignement des Princes, si célèbre sous le nom de Miroir des Princes. Voyez C. Meiners und L. T. Spittler's Göttingisches Historisches Magazin. Hannover, 1787, t. I, p. 683-689. Ce ne fut donc qu'au prince héréditaire que le Roi obtint la dispense d'âge, et c'est pour cela sans doute qu'il dit ce jeune prince, et non pas ces jeunes princes comme avaient corrigé les premiers éditeurs.

28-b Le 23 janvier 1744. - Maupertuis fut nommé président de l'Académie le 1er février 1746.

3-a A Versailles, le 30 janvier 1743.

3-b En copiant cette lettre, le Roi avait fait quelques changements : nous avons restitué les passages altérés.

8-a Voyez t. II. p. 156.