<90>tage cette campagne. Chacun retourna de son côté dans les quartiers d'hiver, et demeura tranquille chez soi.

La fortune avait encore marqué sa faveur aux Prussiens par la naissance d'un fils dont la princesse de Prusse accoucha;10 ce qui assurait la succession à la branche régnante, qui jusqu'alors ne s'était étendue qu'aux trois frères du Roi.

A Berlin, la cour attendait l'arrivée du maréchal de Belle-Isle, que Louis XV envoyait à ses alliés pour concerter avec eux les mesures à prendre pour l'ouverture de la campagne prochaine. Le Maréchal s'était rendu à Munich, de là à Cassel, où il fut averti d'éviter, pour se rendre à Berlin, le chemin par le pays de Hanovre : on lui indiqua une route plus sûre qui menait par le Eichsfeld à Halberstadt. Le Maréchal, imbu de son caractère d'ambassadeur et du titre de prince d'Allemagne, rejeta cet avis, et par une suite de cet aveuglement, il suivit le chemin ordinaire. A peine arrive-t-il à Elbingerode, que des dragons hanovriens l'arrêtent;a il eut la présence d'esprit de déchirer tous ses papiers. On le mène en triomphe à Hanovre, où le conseil s'applaudit d'avoir pris un maréchal de France, l'homme de confiance de la ligue de Francfort, enfin un homme qui jouait un si grand rôle en Europe. Il est transféré en Angleterre : on lui donne pour prison le château de Windsor, où il reste quelques mois; et il ne fut échangé qu'après la bataille de Fontenoi. La fierté du roi de France souffrait de l'affront que les Hanovriens lui faisaient dans la personne de son ambassadeur. On disait à Versailles que les Hanovriens avaient manqué dans cette occasion au respect dû à la majesté impériale et au droit des gens, en arrêtant sur les grands chemins et comme un voleur un homme revêtu d'un caractère public. On disait à Londres qu'après la déclaration de guerre, tout officier français qui passait sans passe-port sur les terres du roi d'Angleterre, pouvait être arrêté


10 Octobre 1744 [25 septembre].

a 20 décembre 1744. Voyez Mémoires de Valori, t. I, p. 206 et 207.