<26> Berlin les moyens de s'unir plus étroitement avec celle de Pétersbourg : le Roi en écrivit à M. de Mardefeld, son ministre auprès de l'Impératrice. Cet habile négociateur essaya de donner une sphère plus étendue au traité qui subsistait entre les deux puissances.a Après bien des longueurs, il ne put obtenir qu'une garantie assez vague des États prussiens, conçue en termes si ambigus, qu'il ne valait pas la peine de l'avoir. Quoique ce traitéb n'eût aucune force, il pouvait servir pour en imposer aux cours mal intentionnées pour les intérêts de la Prusse : pour faire illusion un stras vaut un diamant. C'était le comte Bestusheff qui dissuadait l'Impératrice de conclure une alliance plus intime avec le roi de Prusse. M. de La Chétardie, mécontent de ce ministre, travaillait à le déplacer; M. de Mardefeld fut autorisé à le seconder : l'expérience de Mardefeld ne put rien contre l'étoile de Bestusheff. Nous nous réservons à parler plus amplement, dans la suite de cet ouvrage, de toutes les intrigues des ministres à la cour de Russie.

Les cours étrangères intriguaient également à Berlin. Les Anglais ne quittaient pas leur projet d'engager insensiblement le Roi dans la guerre qu'ils faisaient à la France; et les Français désiraient qu'il vînt à leur secours, et les assistât par quelque diversion. Sur ces entrefaites Voltaire arriva à Berlin. Comme il avait quelques protecteurs à Versailles, il crut que cela était suffisant pour se donner les airs de négociateur; son imagination brillante s'élançait sans retenue dans le vaste champ de la politique : il n'avait point de créditif, et sa mission devint un jeu, une simple plaisanterie.c


a Voyez t. II, p. 71.

b Du 27 mars (nouv. style) 1743.

c Arrivé à Berlin le 30 août 1743, Voltaire soumit au Roi neuf points diplomatiques, précédés de ces mots pour toute introduction : " Votre Majesté aurait-elle assez de bonté pour mettre en marge ses réflexions et ses ordres? " Frédéric tourna la chose en plaisanterie, et ajouta à chacune de ces neuf propositions quelques railleries en prose ou en vers, et qui n'avaient en rien rapport à la politique. Voyez Œuvres de Voltaire, avec préfaces, avertissements, notes, etc. par M. Beuchot. Paris, 1831, t. LIV, p. 596-599.