<167>Mais cette crise violente demandait un prompt remède. L'armée du prince d'Anhalt reçut ordre de s'assembler sans perte de temps à Halle; et comme il s'agissait de prendre un parti décisif, le Roi crut que, sans déroger à son autorité, il pouvait assembler un conseil, écouter la voix de l'expérience, et suivre ce qu'il y aurait de sage dans l'avis de ceux qu'il rassemblait : quiconque est chargé des intérêts d'une nation, ne doit rien négliger de ce qui peut en procurer le salut. Le prince d'Anhalt fut un des premiers auxquels le Roi fit l'ouverture du projet de Brühl. Ce prince était un de ces gens qui, prévenus d'eux-mêmes, abondent en leur sens, et sont pour la négative lorsque les autres affirment : il prit le Roi en pitié qu'il crût si légèrement cette accusation contre Brühl; il dit qu'il n'était pas naturel qu'un ministre du roi de Pologne, Saxon de naissance, voulût attirer de gaieté de cœur quatre armées dans les États de son maître, et les exposer à une ruine inévitable. Le Roi lui montra une lettre qui portait que dans deux jours le général Grünne arriverait avec son corps à Géra, pour joindre les Saxons à Leipzig; il lui produisit différentes lettres de la Silésie, qui constataient unanimement que les Saxons amassaient de gros magasins en Lusace pour les troupes du prince de Lorraine, qu'on y attendait dans peu; enfin il finit par lui dire qu'il lui confiait le commandement de cette armée qui s'assemblait à Halle. Le prince d'Anhalt persista dans son incrédulité; cependant on lisait sur son visage qu'il était flatté de se voir à la tête d'un corps qui pouvait lui fournir le moyen de rajeunir son ancienne réputation. Le comte Podewils entra un moment après. Le Roi le trouva tout aussi incrédule que le prince d'Anhalt; ce n'était point par esprit de contradiction, mais par timidité : ce ministre avait quelques fonds placés à la Steuera à Leipzig; il craignait de les


a Les quatre principaux fonds des finances de la Saxe étaient alors : la Steuer, où l'on déposait le subside accordé par les états du pays; la Chambre du domaine électoral; le Fonds des accises et la Caisse générale de la guerre. Dès avant la guerre de sept ans, ces différentes caisses étaient en partie épuisées, et accablées de dettes.