<309>tiques? Depuis un temps immémorial, la France a été en guerre avec l'Autriche, leurs intérêts sont diamétralement opposés; la politique de la France a été de tout temps d'avoir un allié puissant dans le Nord, dont les diversions lui puissent être utiles. La Suède, qui la servait autrefois, a perdu son pouvoir et son influence dans les affaires du continent. Il ne lui restait donc que la Prusse.a Qui pouvait imaginer qu'un renversement d'esprit inexplicable et l'intrigue de quelques caillettes lui fît abandonner ses intérêts et le seul système qui lui est convenable? Pourquoi payer des subsides en Russie? pourquoi armer la Suède? pourquoi exciter l'Empire contre la Prusse, si ce n'est pour détruire cette puissance? Cette conduite serait-elle en haine du traité de neutralité conclu à Londres? Cette vengeance me paraîtrait bien outrée. Serait-ce en faveur de quelques cessions que la reine de Hongrie aurait faites à la France en Flandre? Ce leurre me paraîtrait bien grossier, et je ne sais si pour les suites la France ne doit pas prévoir que, malgré toutes ces belles apparences, l'accroissement de la maison d'Autriche, pour lequel elle travaille à présent si chaudement, tournera avec le temps à son plus grand désavantage. La France prend pour prétexte de son entrée dans l'Empire la garantie du traité de Westphalie. L'année 1745, lorsque nous entrâmes en Saxe, ces garants de la paix de Westphalie me félicitèrent sur mes heureux exploits. Comment donc ce qui était bon l'année 1745 devient-il mauvais l'année 57? Pourquoi la Suède fait-elle une levée de boucliers, parce que mille hommes de troupes légères ont traversé quelques villages du pays de Würzbourg?b Nos ennemis


a A l'occasion du traité conclu avec la France en 1744, Frédéric dit à M. Dumesnil, brigadier des armées du roi de France, qui lui avait été envoyé par le maréchal de Noailles : « Je suis bien aise de remplacer les Suédois, qui étaient autrefois les alliés favoris de la France; à présent, c'est un corps sans âme; pour moi, j'en ai une, et l'on en sera content. » Voyez Flassan, Diplomatie française, seconde édition, Paris, 1811, t. V, p. 228.

b Voyez t. IV, p. 138 et 139.