409. DU PRINCE HENRI.

Rheinsberg, 30 mars 1786.



Mon très-cher frère,

De toutes les situations la plus pénible pour moi est celle de savoir que vous souffrez, mon très-cher frère. Je voudrais au moins pouvoir vous soulager; je vous supplie de croire que si j'en étais capable, j'y ferais tous mes efforts. Cependant, pour peu que le beau temps continue, j'espère que si vous prenez l'air, insensiblement ce remède sera plus salutaire que toutes les médecines, et un exercice modéré, dans la belle saison, mettra en mouvement la matière qui embarrasse la poitrine, et qui se dégagera plus facilement. Vous me pardonnerez, mon très-cher frère, si je prends le langage d'un médecin. Dans<600> ce moment, j'en voudrais être un, pour vous rendre service; au moins mes vœux, s'ils sont exaucés, vous rendront la santé.

Vous avez grande raison, mon très-cher frère, de dire que le règne des prophètes est passé; les imposteurs ne peuvent tromper longtemps, si même ils en imposent pendant quelque temps au peuple. Ce n'est que chez les Islandais, Groënlandais, et chez quelques hordes de Tartares, qu'on trouve encore des sorciers. Ces sorciers sont prophètes chez eux, et leur en imposent par les moyens les plus simples. C'est là qu'on peut connaître ce que l'homme était avant que d'être éclairé, et la distance immense qui sépare l'homme sauvage de celui qui est civilisé. Il est vrai qu'on rencontre quelquefois chez ces derniers l'amour du merveilleux; mais si un charlatan cause de l'effervescence dans les esprits, c'est comme ces météores qui ne font que passer. Mais je ne dois point abuser de vos bontés, mon très-cher frère. C'est avec impatience que j'attends des nouvelles de votre santé; j'espère toujours que je les trouverai d'accord avec mes vœux, et conformes au tendre et respectueux attachement avec lequel je suis, etc.