309. AU MÊME.

(Schönwalde) 26 avril 1778.



Mon très-cher frère,

Il ne faut pas encore crier victoire avant de savoir précisément quelles seront les propositions que fera la cour de Vienne. Pour moi, mon cher frère, j'entrevois dans cette négociation des difficultés presque insurmontables : le traité fait avec l'Électeur palatin, la prise de possession, l'hommage prêté. Comment revenir de si loin? Croyez-vous que la cour de Vienne voudra céder? Comment satisfaire l'électeur de Saxe? Enfin, mon cher frère, la seule certitude que m'offre l'avenir est de gagner du temps jusqu'au mois de juin. Voilà sur quoi nous pouvons compter, et c'est pourquoi j'ai d'abord écrit à nos messieurs, à Berlin, de quelle façon il faut employer l'argent qui est déjà assigné pour sustenter hommes et chevaux tout le mois de mai, et pour acheter le magasin en Saxe. Personne de ces gens qui sont employés à présent n'a été chargé de cette besogne la dernière guerre, et à présent je les ai si bien mis sur les voies, qu'ils pourront faire le reste sans que je les pousse pour chaque pas qu'ils ont à faire. Mes nouvelles du jour sont que les Autrichiens, craignant une révolte dans la Lodomérie, ont fait rebrousser chemin à des troupes qu'ils en avaient tirées, et qu'en tout ils y renvoient dix mille hommes. C'est autant de gagné pour nous. A présent nous pourrons déchiffrer à notre aise les mesures que les ennemis se proposeront de prendre,<484> et nous serons toujours sûrs d'avoir le temps d'arranger nos affaires avant l'ouverture de la campagne. Voici des bulletins de France et des lettres de Hanovre. Ce que le bulletier dit de Mercy484-a est très-vrai; les Autrichiens ont vu nettement échouer leurs négociations à Versailles; le prince Kaunitz en est piqué au vif. Je suis, etc.


484-a Le comte de Mercy, ambassadeur de l'empereur Joseph II à la cour de France.