<146>

55. DU PRINCE DE PRUSSE.

Camp de Leipa, la nuit du 7 au 8 juillet 1757.



Mon très-cher frère,

Nous avons occupé aujourd'hui le nouveau camp, qui est fort, et nous favorisera l'arrivée du général Brandeis. Nous sommes à trois milles de Tetschen. Je ferai, s'il est possible, reconnaître les chemins vers Panzen et vers Leitmeritz. J'ai eu ce matin des nouvelles des majors Belling et Billerbeck;146-a ils sont heureusement arrivés à Gabel, et occupent la ville. Ils n'ont vu aucun pandour, mais trois cents hussards les ont harcelés. Un cheval de hussard a été tué. Le général Winterfeldt doit arriver ce soir à Georgenthal. Il me fait dire qu'il comptait d'avoir demain assuré la communication de Zittau, et de presser le départ du convoi. Un de nos trompettes vient d'arriver de retour du village de Vopern, près de Hirschberg, où il a trouvé un major du régiment d'O'Donnell, en détachement avec des cuirassiers. Tous les villages où il a passé ont été occupés par les hussards; de pandours, il n'en a point vu. Il n'a point porté de lettre, à cause qu'un trompette de l'ennemi doit arriver demain. Il est très-difficile de dire au juste quels sont leurs desseins, car, par le moyen de leurs troupes légères et des gens du pays, qui les favorisent, ils les cachent extrêmement. L'armée de Daun doit être campée à Bunzlau. Cela paraît probable. Le corps de Nadasdy doit être à Hirschberg, et un autre doit être passé par Weisswasser, et doit avoir Zittau en vue. Ce dessein est détruit. De l'armée du prince Charles nous n'apprenons rien du tout. Une des plus grandes difficultés, c'est que s'il faut que nous fassions des marches, il faut que nous en soyons instruits pour le moins trente-six heures d'avance, pour pouvoir nous défaire de nos chariots, qui sont trop nombreux. Je suis après à en faire faire<147> la révision; mais il en restera encore de trop, et malheureusement la plupart sont indispensables. Les avis que je pourrai recevoir des gouverneurs des places de Silésie pourront me mettre au fait, à la vérité, des desseins de l'ennemi; mais s'ils tentent quelque chose sur cette province, et surtout sur le magasin de Schweidnitz, je vous flatterais en disant que, vu ma situation, je serais en état d'y porter un prompt et grand secours. J'ai usé hier du stratagème du hussard travesti; mais j'ignore s'il est passé. J'ai envoyé par trois différentes voies la même lettre. J'écrirai aujourd'hui au commandant de Tetschen, pour savoir ce qui se passe dans ces contrées.

Je me trouve heureux, mon très-cher frère, de remplir vos intentions. Soyez persuadé que mes vœux seront parfaitement accomplis, si je puis vous convaincre du zélé et respectueux attachement avec lequel j'ai l'honneur d'être jusqu'au tombeau, etc.


146-a Voyez t. V, p. 194.