<564> apercevoir. Remarquez encore de quel épuisement dans les bourses des souverains sera suivie cette guerre dispendieuse également pour toutes les parties belligérantes. La France aura besoin de respirer, et quelque mécontentement qu'elle ressente des liaisons de Joseph et de Catherine, elle dissimulera son chagrin, faute de pouvoir le manifester avec dignité. Ajoutez à cela une reine, mère d'un Dauphin, et que Mercya fait agir comme une marionnette pour étayer l'Empereur son frère, un roi sans énergie, un ministère faible, l'appréhension d'une régence, et vous conclurez avec moi qu'il ne faut pas compter avec de telles gens qu'ils agissent avec fermeté, d'autant plus qu'ils n'ont montré que de la mollesse en combattant pour leurs propres intérêts. Voilà, mon cher frère, un petit échantillon des embarras qu'on éprouve quand on est obligé de tripoter dans ce chaos de la politique européenne. Nous sommes à présent dans un moment de crise; il faut attendre tranquillement ce que la fortune en décidera, et ce ne sera qu'alors, après de mûres réflexions, qu'on pourra s'arranger selon les conjonctures les plus avantageuses à notre patrie. Mais, en attendant, nous restons en l'air, sans alliances, sans amis, et isolés, comme l'Angleterre se trouve encore maintenant. S'il ne s'agissait que de mon personnel, je serais fort tranquille, parce qu'il faut savoir supporter la mauvaise comme la bonne fortune; mais je dois veiller aux intérêts d'une patrie que j'aime, et je n'envisage pas avec indifférence les dangers dont elle est menacée.

Voilà, mon cher frère, bien des rêves creux. Vous vous moquerez de moi, de ce que je m'inquiète par prévoyance d'événements peut-être encore éloignés; toutefois souvenez-vous qu'une sentinelle doit être alerte, pour que la place ne soit pas surprise faute de son incurie et de sa négligence. Je suis, etc.


a Voyez ci-dessus, p. 484, et l'Essai sur la vie du marquis de Bouille, p. 162 et 163.