<475>rite au-dessus du commun, ni de beaucoup de vertus, soit chrétiennes, ou morales, pour obéir aux ordres d'un maître souverain. L'histoire moderne nous fournit l'exemple de deux autres grands hommes qui ont fait, de nos jours, une action pareille, mais qui me semble leur avoir fait d'autant plus d'honneur, que leur sagesse y avait pour le moins autant de part que les ordres de leurs maîtres. C'est celui du prince Eugène de Savoie et de feu mylord Marlborough. V. A. R. sait qu'ils avaient chacun un commandement en chef, et tout au moins aussi absolu que celui de feu Catinat. Elle sait que leurs dignités respectives ne leur permettaient pas de se commander l'un l'autre. Elle ne sait pas moins que, en ces sortes d'occasions, l'ambition et la jalousie, si naturelles au commun des hommes, produisent ordinairement de mauvais effets. Mais elle sait aussi que ces deux héros, également grands par leur génie, par leurs talents, par leurs emplois, également fameux par leurs victoires, et également zélés pour leurs maîtres, se dépouillèrent si bien de ces deux passions, si fatales ordinairement à l'union des puissances alliées, que, sans être subordonnés l'un à l'autre, on ne put jamais bien démêler lequel des deux avait le plus de déférence pour son rival. C'en était fait de la monarchie française, si la bonne intelligence de leurs maîtres avait été d'autant de durée que celle de ces deux capitaines. V. A. R. avouera, j'en suis persuadé, car tout l'univers l'a avoué, que cet exemple de sagesse est d'autant plus rare et admirable, que deux hommes différents la possédaient et la pratiquaient dans un degré de perfection très-égal, et dans un même temps. Mais qu'elle me permette de lui faire à cette occasion une question qui n'est peut-être pas tout à fait hors d'œuvre. Croit-elle que ces deux grands hommes aient fait ce qu'ils firent alors par des motifs de religion, ou, comme parle Rollin, de morale chrétienne? Mylord Marlborough, que j'ai connu personnellement, ne m'a jamais paru un chrétien fort scrupuleux; et quant au prince Eugène, que V. A. R. connaît elle-même,