<469> me sens embarrassé à deviner, comme V. A. R. me l'ordonne, l'objet qu'elle a pris la peine de peindre d'un coloris éblouissant. J'ose cependant vous demander, monseigneur, quoique en rougissant réellement, si ce n'est pas l'auteur de l'Imitation ci-jointe? Je serais même tenté de croire que V. A. R. venait de la lire quand elle m'a fait l'honneur de m'écrire, puisqu'il me semble, sans en être pourtant tout à fait sûr, que j'en ai un jour donné une copie à M. de Keyserlingk, que je crois encore à Ruppin. Ce qui me fait venir cette conjecture, c'est que V. A. R. a donné à ce portrait une partie des traits que l'auteur de l'Imitation a cru pouvoir se donner à lui-même, quoiqu'elle ait su les représenter si avantageusement, que, en s'y reconnaissant, il doit être honteux de sentir que ceux qu'il peut s'en appliquer sont autant au-dessous de cette magnifique peinture qu'il est lui-même au-dessous du maître qui a bien voulu les embellir.

Les charmes que je trouve à examiner ce tableau me font quasi oublier de répondre au reste de la lettre de V. A. R., qui, si je l'ose avouer sans lui déplaire, quelque forts que soient ses arguments, ne m'a pas encore convaincu. Il est difficile de dérouter un Quinze-Vingt qui se croit sûr de son fait.

V. A. R. convenant que la morale chrétienne, en tant qu'on ne la considère que comme une morale, tend au même but que la païenne, c'est-à-dire, au bien de la société, vous ne sauriez vous dispenser de convenir, monseigneur, qu'elle dérive aussi de la même source, qui est la raison humaine, et qu'elle ne saurait être confondue avec les notions que nous tirons de la révélation.

Rollin, quoique dans une intention fort pieuse, me semble parler plutôt en théologien septuagénaire, et en homme qui veut faire sa cour aux dévots de profession, qu'en moraliste, lorsqu'il traite les vertus les plus évidentes des anciens païens de vertus imparfaites, parce qu'elles ne se rapportaient pas, dit-il, à la gloire de Dieu et à la religion chrétienne.