<204>ment réfléchi sur ces graves matières, je compte de conserver ma bonne humeur tant que durera ma chétive et frêle machine, et je vous conseille d'en faire autant. Bien loin de me plaindre de ma fin prochaine, je dois plutôt faire excuse au public d'avoir eu l'impertinence de vivre si longtemps, de l'avoir ennuyé, fatigué, et de lui avoir été à charge les trois quarts d'un siècle, ce qui passe la raillerie.

Je quitte cette matière, qui pourrait vous paraître trop lugubre, pour vous remercier de l'anecdote de l'empereur Léopold que j'ai trouvée dans votre lettre. Il faut avouer que les saints ont des ressources que les profanes n'ont pas. Chez nous, l'œuvre de la propagation n'est due qu'à une opération physique des plus communes. Chez les saints, tout se fait par miracles; malheureusement ils ne réussissent pas toujours dans ce siècle pervers. Toutefois ce que le prince a perdu en messes, il l'a gagné par le ridicule qu'il s'est donné par cette platitude.

J'ai appris, ainsi que vous, que le César Joseph a quelques démêlés avec le saint-père, encore au sujet d'une messe qu'il n'a point voulu dire pour Marie-Thérèse. J'ose présumer toutefois qu'ils se raccommoderont à la mort du duc de Modène, et que le vicaire de Jésus-Christ cédera le Ferrarois aux descendants des Lorrains autrichiennisés; cette cession du Ferrarois au moins vaut bien une messe, et l'âme de Marie-Thérèse, l'apprenant, s'élancera du purgatoire en paradis. Cette assertion n'est qu'une hypothèse; je suis laïque, et il n'appartient qu'à la Sorbonne de prononcer sur ce qui peut se passer au ciel, au purgatoire, ainsi qu'aux enfers.

J'ai oublié de vous dire que j'ai vu ces jours passés, à Berlin, un prince Salma qui vient fraîchement de Paris; il m'a couvert de honte; je me suis trouvé si inepte, si maussade, si sot en comparaison de lui, que je n'ai presque pas eu le cœur de lui répondre. Il est pétri de


a Le prince héréditaire de Salm et un prince Salm-Salm sont déjà cités t. XXIV, p. 532 et 690.