<142>rompue que par la haine d'une femmea qui voulait se venger du juste mépris de V. M. pour elle, et par l'ambition d'un prêtre bel esprit qui voulait être cardinal;b et je vois avec grande joie qu'enfin la France peut dire comme Roxane :

Et que tout rentre ici dans l'ordre accoutumé.c

Les Français, Sire, ne peuvent pas être vos ennemis, comme vous ne voulez pas être le leur. Indépendamment des intérêts politiques, l'admiration et le respect dont toute la nation est pénétrée pour V. M. est à un degré inexprimable, et on ne tarit point, Sire, sur les éloges qui sont dus à la conduite si ferme, si noble, si courageuse que V. M. vient de tenir dans l'affaire importante qui agitait l'Allemagne. J'en ai déjà tant parlé à V. M., que je crains, en me répétant, de paraître adulateur; mais, Sire, on n'a point d'adulation à se reprocher quand on est l'écho de la voix publique, et jamais elle n'a été si unanime et si énergique qu'elle l'est en ce moment sur V. M. Quelle satisfaction n'aurais-je pas eue à lui exprimer moi-même tous ces sentiments, si ma frêle machine m'avait permis de m'exposer aux fatigues d'un long et pénible voyage! Jamais, Sire, je n'ai éprouvé un plus grand désir d'aller me mettre aux pieds de V. M.; mais j'ai craint de n'avoir pas la force d'arriver jusqu'à elle. Je ne puis cependant renoncer encore totalement à l'espérance de la voir et de l'entendre, et si, dans l'état de faiblesse où je suis, je trouvais quelque moment lucide, j'en profiterais à l'instant pour satisfaire mon cœur.

Nous venons, Sire, de donner, à l'Académie française, le prix que nous avions proposé pour l'éloge de Voltaire, et que j'avais augmenté de six cents livres, pour honorer par le denier de la veuve la mé-


a La marquise de Pompadour.

b Bernis. Voyez t. IV, p. 38, 255 et 256; t. X., p. 123; t. XIX., p. 21 et 25; t. XX, p. 303 et 310; et t. XXIV, p. 269.

c Bajazet, tragédie de Racine, acte II, scène II.