<422> il ne sera plus question de cette fureur épidémique qui avait gagné les grandes puissances de l'Europe, et dont nous avons pensé être la victime. Ces faits sont récents encore, et ils nous intéresseront jusqu'à ce que nous ayons rebâti les maisons abattues, et réparé les dévastements des incendies. Mais après cela, les choses présentes, l'objet qui frappe actuellement, attirent toute l'attention des hommes, et le passé est mis en oubli; au lieu que quiconque sait éclairer et instruire l'univers devient le précepteur des races futures, et les instruit de siècle en siècle, à mesure qu'il en naît de nouvelles. Voilà la différence de nos travaux; les miens ne dureront qu'un temps, au lieu que les vôtres, semblables aux merveilles d'Égypte, méritent la devise de l'Académie française : A l'éternité. Vos ouvrages ont droit d'y prétendre; pour vous, je vous prie d'y aller le plus tard que vous pourrez. Vous devriez prendre des eaux apéritives, car je ne crois pas que votre estomac souffre; mais je suppose qu'il y a quelque opilation dans les viscères du bas-ventre, qui cause vos incommodités. Si j'étais votre médecin, je vous enverrais à Spa. Vous méritez de jouir longtemps de votre réputation. Je m'intéresse plus que personne à votre existence, et je voudrais y contribuer, si je le pouvais; car que nous restera-t-il, si l'Europe vient à vous perdre? Personne; j'opine donc pour les eaux minérales et pour tous les remèdes doux qui opèrent lentement et sans renverser le tempérament. J'espère et je souhaite d'apprendre bientôt de meilleures nouvelles de votre santé, en vous, etc.a


a M. de Catt, qui avait copié cette lettre pour l'expédier, ajouta de sa main au bas de la minute du Roi : « M. d'Alembert avait envoyé à S. M. ses Œuvres de philosophie et de littérature, en quatre volumes. »