<199> où V. M. s'amusait à un pareil ouvrage; mais c'était César qui faisait ses Commentaires; et moi, je suis un commis de ministre, qui extrais, dans les bureaux, les archives vraies ou fausses des malheurs, des sottises et des méchancetés de notre siècle. Si V. M. était curieuse de voir le commencement de ma bavarderie historique, j'aurais l'honneur de le lui envoyer, en la suppliant très-humblement de daigner corriger l'ouvrage de cette main qui écrit comme elle combat. Les maux continuels auxquels je suis condamné pour ma vie ne m'ont pas permis d'avancer beaucoup ma besogne. L'honneur d'entretenir V. M. quelques heures me fournirait plus de lumières que toutes les pancartes de nos ministres. Mais je suis d'une faiblesse inconcevable, et Berlin est loin des eaux chaudes. Je n'ai plus de ressources que dans l'espérance d'un petit voyage de V. M. aux bains de Charlemagne, votre devancier, ou à quelques autres bains où on étouffe de chaud. En ce cas, je m'empaqueterais pour avoir encore la consolation de voir Frédéric le Grand avant de mourir, et pour rassasier mes yeux et mes oreilles; mais on passe sa vie à souhaiter, et à faire le contraire de ce qu'on voudrait faire. On peut bien répondre de ses sentiments; mais il n'y a personne qui puisse dire ce qu'il fera demain. La destinée nous mène, et se moque de nous. Ma destinée, Sire, sera de vous être attaché jusqu'au dernier soupir de ma vie, et je lui demande de me permettre de pouvoir voir encore le premier des rois et des hommes. Je lui renouvelle mes très-profonds respects; madame du Châtelet y joint les siens.