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Les bords orgueilleux de la Meuse
Arborèrent les fleurs de lis.
Jamais l'ouvrage ne dérange
Un esprit sublime et profond;
D'où vient donc ce silence étrange?
On dirait qu'un beau jour Caron,
Inspiré par un mauvais ange,
Vous a transporté chez Pluton,
Dans ce manoir funeste et sombre
Où le sot vaut l'homme d'esprit,
D'où jamais ne sortit une ombre,
Où l'on n'aime, ne boit, ni rit.
Cependant un bruit court en ville :
De Paris l'on mande tout bas
Que Voltaire est à Lunéville;
Mais quels contes ne fait-on pas?
Un instant m'en rappelle mille.
Deux rois, dit-on, sont vos galants :
L'un, roi sans peuple et sans couronne,
L'autre, si puissant qu'il en donne
A ses beaux-fils, à ses parents.
Au nombre des rois vos amants
J'en ajouterais un troisième;
Mais la décence et le bon sens
M'ont empêché depuis longtemps
D'oser vous parler de moi-même.

Malgré ce silence, j'exciterai d'ici votre ardeur pour l'ouvrage. Je ne vous dirai point : « Vaillant fils de Télamon, ranimez votre courage aujourd'hui que tous vos généreux compagnons sont hors de combat, et que le sort des Grecs dépend de votre bras. »a Mais achevez l'histoire de Louis le Grand; et ayant eu l'honneur de donner à la France un Virgile, ajoutez-y la gloire de lui donner un Arioste.

Les nouvelles publiques m'ont mis de mauvaise humeur; je trouve que, comme vous n'êtes point à Paris, vous seriez tout aussi bien à


a Homère, Iliade, chant XIII, v. 47-58.