<140> Votre comparaison d'une coquette, et même de quelque chose de mieux, qui a donné des faveurs un peu cuisantes, et qui se moque de ses galants dans les remèdes, est une chose aussi plaisante qu'en aient dit les César, et les Antoine, et les Octave, vos devanciers, gens à grandes actions et à bons mots. Faites comme vous l'entendrez avec les rois; battez-les, quittez-les, querellez-vous, raccommodez-vous; mais ne soyez jamais inconstant pour les particuliers qui vous adorent.

Vos faveurs étaient dangereuses
Aux rois, qui le méritent bien;
Car tous ces gens-là n'aiment rien,
Et leurs promesses sont trompeuses.
Mais moi, qui ne vous trompe pas,
Et dont l'amour toujours fidèle
Sent tout le prix de vos appas,
Moi, qui vous eusse aimé cruelle,
Je jouirai sans repentir
Des caresses et du plaisir
Que fait votre muse infidèle.

Il pleut ici de mauvais livres et de mauvais vers; mais, comme V. M. ne juge pas de tous nos guerriers par l'aventure de Linz,a elle ne juge pas non plus de l'esprit des Français par les Étrennes de la Saint-Jean,b ni par les grossièretés de l'abbé Desfontaines.

Il n'y a rien de nouveau parmi nos Sybarites de Paris. Voici le seul trait digne, je crois, d'être conté à V. M. Le cardinal de Fleury, après avoir été assez malade, s'avisa, il y a deux jours, ne sachant que faire, de dire la messe à un petit autel, au milieu d'un jardin où il gelait. M. Amelot et M. de Breteuil arrivèrent, et lui dirent qu'il jouait à se tuer : « Bon, bon, messieurs, dit-il, vous êtes des douillets. »


a Voyez t. II, p. 117 et suivantes.

b Lettre à MM. les auteurs des Etrennes de la Saint-Jean; Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XXXIX, p. 369.