<401>J'ai eu l'honneur d'envoyer Mahomet à V. A. R. On transcrit cette Dévote; si elle vient dans un temps où elle puisse amuser V. A. R., elle sera fort heureuse, sinon elle attendra un moment de loisir pour être honorée de vos regards.

J'ai une singulière grâce à demander à V. A. R. : c'est, tout franc, qu'elle me loue un peu moins dans la Préface qu'elle a daigné faire à la Henriade. Vous m'allez trouver bien insolent de vouloir modérer vos bontés, et il serait plaisant que Voltaire ne voulût pas être loué par son prince. Je veux l'être, sans doute, j'ai cette vanité au plus haut degré; mais je vous demande en grâce de me permettre de retrancher quelques choses que je sens bien que je ne mérite guère. Je suis comme un courtisan modéré (si vous en trouvez) qui vous dirait : Donnez-moi un peu de grandeur, mais ne m'en donnez pas trop, de peur que la tête ne me tourne.

Je remercie du fond de mon cœur V. A. R. d'avoir changé l'idée d'une gravure contre celle d'une belle impression; cela sera mieux, et je jouirai plus tôt de l'honneur inestimable que vous daignez me faire. Je ne me promets point une vie aussi longue que le serait l'entreprise d'une gravure de la Henriade. J'emploierai bientôt le temps que la nature veut encore me laisser à achever le Siècle de Louis XIV.

Madame du Châtelet a écrit à V. A. R. avant que j'eusse reçu votre lettre du 26; elle est devenue toute leibnizienne; pour moi, j'arrange les pièces du procès entre Newton et Leibniz, et j'en fais un petit précisa qui pourra, je crois, se lire sans contention d'esprit.

Grand prince, je vous demande mille pardons d'être si bavard dans le temps que vous devez être très-occupé. Roi ou prince, vous êtes toujours mon roi, mais vous avez un sujet fort babillard. Je suis, etc.


a La Métaphysique, formant la première partie des Eléments de la philosophie de Newton. Voyez les Œuvres de Voltaire, édit. Beuchot, t. XXXVIII, p. 11-67.