<372>Vous, jeune citoyen de ce plata univers,
Vous, de nouveaux plaisirs et de science avide,
Élève de Socrate, et d'Horace, et d'Euclide,
Cessez, Algarotti, d'observer les humains,
Les Phrynés de Venise et les Gitons de Rome,
Les théâtres français, les tables des Germains,
Les ministres, les rois, les héros et les saints;
Ne vous fatiguez plus, ne cherchez plus un homme;
Il est trouvé. Le ciel, qui forma ses vertus,
Le ciel au haut du mont Rémus
A placé mon héros, l'exemple des vrais sages;
Il commande aux esprits, il est roi sans pouvoir.
Au pied du mont Rémus finissez vos voyages;
L'univers n'est plus rien, vous n'avez rien à voir.
Ciel! quand arriverai-je à la montagne auguste
Où règne un philosophe, un bel esprit, un juste,
Un monarque fait homme, un dieu selon mon cœur?
Mont sacré d'Apollon, double front du Parnasse,
Olympe, Sinaï, Thabor, disparaissez.
Oui, par ce mont Rémus vous êtes effacés
Autant que Frédéric efface
Et les héros présents, et tous les dieux passés.

J'en demande pardon, monseigneur, à Sinaï et à Thabor; la verve m'a emporté; j'ai dit plus que je ne devais dire. D'ailleurs, les foudres et les tonnerres du mont Sinaï n'ont point de rapport à la vie philosophique qu'on mène au mont Rémus, et la transfiguration du Thabor n'a rien à démêler avec l'uniformité de votre charmant caractère. Enfin, que V. A. R. pardonne à l'enthousiasme; n'est-il pas permis d'en avoir un peu quand on vient de lire la belle Épître dont votre muse française a régalé mylord Baltimore?

Je vois que mon prince a mis encore la connaissance de la langue


a Allusion aux voyages de Maupertuis à Tornéa, et de La Condamine au Pérou, pour déterminer la figure de la terre. Voltaire date aussi une de ses lettres à Maupertuis : « Bruxelles, 29 août 1740, la troisième année depuis la terre aplatie. »