<201> pas bonne, ce que vous me confirmez encore. Il semble que la nature, qui vous a partagé d'une main si avantageuse du côté de l'esprit, ait été plus avare en ce qui regarde votre santé, comme si elle avait eu regret d'avoir fait un ouvrage achevé. Il n'y a que les infirmités du corps qui puissent nous faire présumer que vous êtes mortel; vos ouvrages doivent nous persuader le contraire.

Les grands hommes de l'antiquité ne craignaient jamais plus l'implacable malignité de la fortune qu'après les grands succès. Votre fièvre pourrait être comptée, à ce prix, comme un équivalent ou comme un contre-poids de votre Mérope.

Pourrais-je me flatter d'avoir deviné les corrections que vous voulez faire à cette pièce, vous qui en êtes le père, vous qui l'avez jugée en Brutus? Pour moi, qui ne l'ai point faite, moi qui n'y prends d'autre intérêt que celui de l'auteur, j'ai lu deux fois la Mérope avec toute l'attention dont je suis capable, sans y apercevoir de défauts. Il en est de vos ouvrages comme du soleil; il faut avoir le regard très-perçant pour y découvrir des taches.

Vous voudrez bien m'envoyer les quatre actes corrigés, comme vous me le faites espérer, sans quoi les ratures et les corrections rendraient mon original embrouillé et difficile à déchiffrer.

Despréaux et tous les grands poëtes n'atteignaient à la perfection qu'en corrigeant. Il est fâcheux que les hommes, quelques talents qu'ils aient, ne puissent produire quelque chose de bon tout d'un coup. Ils n'y arrivent que par degrés. Il faut sans cesse effacer, châtier, émonder; et chaque pas qu'on avance est un pas de correction.

Virgile, ce prince de la poésie latine, était encore occupé de son Énéide lorsque la mort le surprit. Il voulait sans doute que son ouvrage répondît à ce point de perfection qu'il avait dans l'esprit, et qui était semblable à celui de l'orateur dont Cicéron nous fait le portrait.

Vous, dont on peut placer le nom à côté de celui de ces grands hommes, sans déroger à leur réputation, vous tenez le chemin qu'ils