74. A M. DE SUHM.



Mon cher Diaphane,

Votre lettre m'a fait un plaisir infini, voyant que vous vous intéressez encore à la santé de vos amis. Vous seriez bien ingrat de les oublier, car ils pensent toujours sur votre sujet comme ils doivent penser.

Ma foi, notre projet de bibliothèque va le chemin des écrevisses. J'ai craint d'abord que ce que vous me mandez arriverait. Les bons livres sont rares, et ceux qui les ont ne s'en défont qu'à contre-cœur. La vente projetée396-a est problématique, et par conséquent notre assurance, des plus décevantes. Le seul bon livre que vous m'avez fait avoir de Russie est à vau-l'eau. J'ai prêté des livres, croyant les pouvoir payer; et à présent que j'ai examiné mes affaires, j'ai été obligé de les restituer aux propriétaires. Avec cela, j'ai lu tous mes vieux livres, et me trouve sans aucune lecture quelconque. Cela est fort désagréable, principalement lorsqu'on a envie de s'instruire. Je compte encore sur votre savoir-faire, et je me flatte que celui qui m'a débrouillé le chaos de Leibniz éclairci par Wolff pourra bien<397> encore me fournir les matériaux pour d'autres instructions. Voyez donc, je vous prie, si vous ne pouvez pas me faire avoir quelques volumes de cette bibliothèque si rare; je les renverrai quand je les aurai lus, quoiqu'il me faille du temps. Enfin, mon cher, je m'en rapporte à vous, vous priant d'avoir soin de ma barque et de la conduire heureusement au port.

J'attends avec une impatience infinie le plaisir de vous embrasser.

397-aLe Roi est mal. Que cela vous serve d'argument qu'on m'avance une bonne somme l'été prochain; car assurément, si l'on veut m'obliger, il faudra se presser.


396-a Celle du bailliage de Biegen.

397-a En chiffre.