28. AU MÊME.

Ruppin, 14 décembre 1732.



Monseigneur mon très-cher ami,

Je viens de recevoir celle que vous avez eu la bonté de m'écrire, dont, monsieur, je vous fais mille remercîments. Je suis redevable, comme je dois, aux soins officieux du comte de Seckendorff touchant la détention du pauvre Duhan, mais je vous avoue, monsieur, que j'ai une crainte terrible à lui écrire, car vous savez de quoi l'on m'a soupçonné; ainsi je vous prie de m'écrire si je puis en sûreté faire passer ma lettre au comte de Seckendorff, et par quel canal. Je ne lui en ai pas moins d'obligations, et j'avoue que je reconnais tous les jours davantage les bonnes intentions qu'il a pour moi, et je vous prie de l'assurer, en attendant, que je suis bien de ses fidèles amis.

Le compliment de l'Empereur est trop obligeant pour que je n'y réponde pas. Ce prince, qui fait l'admiration de l'Europe, ne s'est fait connaître à moi que, pour ainsi dire, par de généreuses actions. Je lui en porte toute la reconnaissance que mon devoir me permet d'avoir, et je puis assurer le comte de Seckendorff que j'ai plus de vé<81>nération pour l'Empereur par rapport à ses éminentes qualités que par rapport à la dignité de son rang. J'en userai dorénavant comme vous le trouvez à propos touchant l'envoi des lettres, et j'espère que je ne serai pas prédestiné à causer du chagrin à mes bons amis, malheureux de ne pouvoir payer tous leurs soins que par mes bonnes intentions. Mais je sais que l'effort des âmes généreuses est d'obliger sans attendre le moindre retour. Néanmoins je n'oublierai jamais qu'un honnête homme doit être reconnaissant envers ceux qui l'ont servi; aussi perdrais-je plutôt la vie que de ne vous pas témoigner un jour que je sens que ce devoir me regarde à votre égard, et je vous assure que je n'aurai point de repos qu'après vous avoir témoigné par des effets comme je suis avec une parfaite amitié,



Mon très-cher ami,

Votre très-fidèle ami et serviteur,
Frederic.