<380> orateur à cet endroit-ci. En effet, il n'aurait pas tort, car comparez un moment la situation du comte Seckendorff en l'année vingt-huit et vingt-neuf avec la sienne d'à présent. C'était lui qui était l'arbitre de l'Allemagne, qui réglait tout, et de la manière du monde la plus impérieuse et la plus absolue; il faisait des traités, accommodait ou brouillait les puissances selon son bon plaisir, et voyait même des princes souverains s'abaisser jusqu'à lui faire la cour. Le printemps de cette année, il gouvernait à Vienne tout le conseil de l'Empereur; il amenait les événements comme il le jugeait à propos, et disposait souverainement de tout dans son armée. Six mois se passent, et cet homme, qu'une prospérité continuelle avait élevé jusqu'au sommet de la roue de la fortune, est précipité tout d'un coup de sa sphère, sans prévoir l'impétuosité du coup qui l'abat; il ne lui reste que la haine de l'armée qu'il a commandée, et l'on peut dire que le public n'a attendu que le moment de sa chute pour se déclarer son ennemi. Il est sûr que les intrigues des jésuites n'ont pas peu contribué à le perdre. Je crois que Lichtensteina n'y a pas peu contribué de son côté; mais ce qu'il y a de certain, c'est que le prince de Dessaua y a eu sa part. Voilà un exemple bien éclatant des infidélités de la fortune. Seckendorff en a été l'idole pendant toute sa vie, et à cette heure qu'il est sur son déclin et dans sa décrépitude, elle lui tourne le dos. Le Roi le plaint infiniment. Pour moi, je le plains, en cas qu'il soit innocent; mais en cas qu'il soit coupable, je ne le trouve guère digne de compassion.

D'ailleurs, les affaires de l'Empereur vont aussi mal qu'il est possible en Hongrie. Les Français travaillent de tout leur pouvoir à rétablir l'union et la paix entre l'Empereur et les Turcs, et il n'est pas douteux qu'ils n'aient un plan formé de fondre de tous côtés sur l'empire russien. Je crois que c'est de ces plans dont on doit plutôt admirer la hardiesse que la solidité. Il est certain que le monde pro-


a Les noms de Lichtenstein et du prince de Dessau sont en chiffre dans l'original.