<345> péril d'être englouti avec eux sous les glaces; enfin, surpris par des neiges épouvantables, qui menaçaient de nous ensevelir, dans des lieux où il était impossible de se procurer des traîneaux : en voilà assez pour vous donner une légère idée de toutes les fatigues et de toutes les angoisses que j'ai eu à éprouver pendant mon voyage. Grâce à Dieu, me voici enfin arrivé sain et sauf à Pétersbourg, et le bonheur que j'ai en ce moment de m'entretenir avec V. A. R. me fait oublier tout ce que j'ai eu à essuyer.

Vous ne concevrez pas facilement, monseigneur, la surprise que m'a causée le premier aspect de cette belle capitale, où l'on ne voit partout que de superbes palais, bâtis par les plus habiles architectes italiens, sur un terrain où il n'y avait que marais il y a trente ans. Il n'y a que quelques jours que je jouis, de mes fenêtres, d'un autre spectacle non moins surprenant, unique peut-être en son genre depuis que le monde existe : j'ai vu passer dans ma rue dix mille hommes de la garde qui allaient se ranger sur la glace de la Néva pour y parader vis-à-vis du palais impérial, à l'occasion de la fête du nom de l'Impératrice. Mais le poids de ces dix mille hommes n'est rien. Cette rivière, qui porte des vaisseaux de guerre en été, porte en hiver sur le dos de ses glaces, outre ces dix mille hommes armés, cent mille spectateurs et cinquante pièces de canon qu'on y décharge à différentes reprises toutes ensemble.

Le jour de l'audience étant venu, S. M. I. me l'a donnée de dessus un trône dressé exprès dans une chambre à côté d'une superbe galerie qui vient d'être achevée. La cour, composée des deux sexes, était très-nombreuse et magnifique. L'air et la majesté de cette grande princesse me frappa; mais, comme je n'avais rien que d'agréable à lui dire, je me rassurai facilement, et tins ma harangue avec plus de présence d'esprit et de fermeté que je ne m'en étais flatté. Depuis ce temps, j'ai déjà assisté à différentes fêles, qui se donnent ici avec