<168> à dire la vérité, quel temps il fait ici. La sphère de mon activité ne s'étend que de mon foyer à ma bibliothèque : le voyage n'est pas grand, et on n'a point le temps de se ressentir en chemin de l'intempérie de la saison. Quant à la chasse, il y a ici toute une coterie qui chasse pour moi, et j'étudie pour eux; chacun y trouve son compte, et personne n'est empêché dans ses divertissements. Nous politiquons peu, parlons moins, et pensons beaucoup. Il ne s'agit ici ni de l'empereur grec, turc, ou chrétien; il s'agit du contentement de l'esprit et d'une tranquillité d'âme que je m'efforce, moi et mon petit couvent,a de cimenter le mieux qu'il nous est possible. Si nous y parviendrons, c'est le critérion.b Du moins faut-il y travailler, quoique, à dire le vrai, l'impassibilité des stoïciens me paraît bien en morale ce qu'est la pierre philosophale en chimie et la quadrature du cercle en mathématiques : c'est l'idée chimérique d'une perfection ou d'une quiétude à laquelle nous ne saurions atteindre.

Mais sans m'embarquer plus avant en morale, souffrez que je vous annonce un phénomène de physique qui n'est point tout à fait indifférent en ce siècle; il consiste en ce que, par la force d'une attraction de six mille écus, j'ai fait graviter des fins fonds de la Hollande vers mon centre un corps de six pieds quatre pouces passés, et ce phénomène, aussi rare et plus extraordinaire qu'une comète chevelue, brillera dans peu de jours sur l'horizon de Ruppin. Après cela, messieurs, c'est à vous de vous cacher et de vous couvrir le visage pour que la clarté semblable à la face reluisante de Moïse ne puisse vous éblouir.c Voici pour quatre mois ou plus que je ne vous ai vu; vous n'avez pas lieu de gronder contre ma bavardise, un silence de quatre mois peut être regardé comme un silence pythagoricien. Je ne fini-


a Voyez ci-dessus, p. 153.

b Voyez ci-dessus, p. 17.

c Exode, chap. XXXII, v. 29 et suivants.