<154> Vous serez servi à souhait; dès que les verres et les bouteilles seront faits, j'enverrai le tout à la Grapendorf, qui aura soin de vous le faire tenir bien conditionné.

Me voilà, mon cher Camas, rendu à moi-même, et tranquille habitant de Remusberg;a il ne me manque que votre présence pour rendre ce séjour parfaitement conforme à mes souhaits. Le Roi a été mardi à la Horst. Je lui ai envoyé un détachement de poulardes et de pigeons qui est arrivé si à propos, que sans eux on aurait fait fort mauvaise chère. Ce sont les occasions qui font les grands hommes, et le manque de choses qui fait trouver le médiocre excellent. On a été satisfait de mes attentions, ce qu'on m'a fait signifier par un compliment. Depuis que je suis de retour chez moi, le temps a été si furieusement mauvais, qu'il n'y a pas eu moyen de sortir; c'était un hiver ou un automne pour le moins prématuré. Mais quelle distraction m'entraîne à vous parler du temps, quand j'ai bien mieux à vous dire? Souffrez, mon cher, que je vous réitère les assurances de mon amitié et de mon estime. Elle est si vieille, que je crains que vous ne vous en lassiez; pour moi, de mon côté, je serai toujours constamment,



Mon cher Camas,

Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.

Bien mes compliments à madame.


a Voyez la lettre à Voltaire, du 7 avril 1737, où Frédéric explique l'origine du nom de Remusberg (Mont Remus), par lequel il désigne, dès 1736, sa terre de Rheinsberg, près de Ruppin, p. e. dans ses lettres à Suhm, du 26 août, à Duhan, du 2 octobre, et à Voltaire, du 7 novembre.
      Frédéric pensait probablement déjà en 1733 à acheter la terre de Rheinsberg, comme on peut le supposer d'après sa lettre à Grumbkow, du 1er mai de la même année. Il en fit l'acquisition le 16 mars 1734; mais il ne s'y établit qu'au printemps de 1736, après avoir fait embellir le château et les jardins.