<147> faible partie de leurs sentiments. Je vous réponds avec la liberté d'un philosophe qui, ne tenant à rien dans le monde, vit exempt de crainte et d'espérance.

Si l'on convient que Cartouche et ceux de sa bande ont été mis à mort innocemment, l'on pourrait excuser de même l'action de vos politiques, qui veulent partager entre eux les États d'un prince qui excitent leur cupidité et leur envie. Mais s'il est vrai, comme vous n'en doutez pas, que la justice devait faire exécuter Cartouche et ses associés pour empêcher les meurtres, les rapines et les brigandages, et pour rétablir la sûreté publique, vous serez forcé d'avouer que ceux qui, dans des places illustres, commettent le même crime, méritent les mêmes châtiments. Que ce soit une association de brigands obscurs qui commettent quelques meurtres et dépouillent quelques particuliers, ou que ce soit une alliance décorée des noms les plus augustes dont le but est de ravager l'Europe par la guerre pour dépouiller un prince qui n'a d'allié que ses propres forces, n'est-ce pas la même chose? Encore s'il se trouve une différence, c'est que l'action de ces politiques, étant de plus grande conséquence, n'en devient que plus atroce par les malheurs et les calamités qui ne tombent pas sur quelques particuliers ou sur quelques familles, mais sur des peuples et des nations entières.

Sans doute que si Cartouche s'était trouvé dans la place de ces gens qui ameutent toute l'Europe contre une seule puissance, il ne se serait pas conduit autrement qu'eux. Comparons ses mesures avec celles de vos politiques; vous y trouverez la même conduite, l'emploi des mêmes moyens, et une fin semblable qu'ils se proposent. Cartouche, se trouvant trop faible pour faire de grands brigandages, s'associa un certain nombre de scélérats, de gens obérés et de misérables qui, comme lui, avaient cent fois échappé aux roues et aux potences. Vos ministres emploient la corruption et l'artifice dans toutes les cours de l'Europe pour avoir des compagnons de leur