<377>MADAME ARGAN.

Ce pauvre petit Christophe! Il monte la garde une fois tous les huit jours; on va le ruiner à cette garnison. Je lui ai envoyé de mon bon café, et du thé de la Chine, et les restes d'une jolie étoffe pour servir à une robe de chambre, et un bon lit de duvet. Ce pauvre enfant! il n'ose pas se déshabiller quand il a la garde. Pensez un peu, mon petit mouton, rester habillé toute une nuit!

M. ARGAN.

Il faut qu'il fasse son devoir, et qu'il se rende digne du rang qu'il occupe; et vous le gâtez, ma femme, en le rendant mou et efféminé.

MADAME ARGAN.

Oui, je gâte le pauvre Christophe, parce que je ne veux pas qu'il meure. Je vous dirai encore que j'ai payé les dettes qu'il a été obligé de faire.

M. ARGAN.

J'ai de ses nouvelles; il est débauché, et vous le fortifiez dans tous ses vices.

MADAME ARGAN.

Mon petit mari, je vous dirai que j'ai un dessein. Je voudrais le placer en Hollande; ma sœur, qui est mariée à un bourgmestre de Rotterdam, me promet de lui obtenir une compagnie.

M. ARGAN.

Voilà ce que je ne souffrirai jamais, ma femme. Nous tenons tous à la patrie; c'est à elle que nous nous devons, et c'est elle que nous devons servir. Qui la défendrait, si nous lui refusions nos bras? Il ne nous est permis de servir ailleurs que lorsque la patrie nous renonce pour ses enfants, ou lorsqu'on refuse de nous employer.