<369>JULIE.

Monsieur, Nérine m'a rapporté une conversation que mon père a eue avec M. Bardus, et elle dit qu'il me destine au sieur Bilvesée.

MONDOR.

Et vous y consentez, madame?

JULIE.

Mon père ne m'en a point parlé encore; et vous savez, monsieur, que le devoir des filles ne leur laisse de mérite que leur obéissance.

MONDOR.

Quoi! vous consentiriez à mon malheur, et vous vous en rendriez la complice! Vous allez me perdre, madame; ma raison, ma vertu, rien ne résistera contre ce coup. Votre beauté que j'adore, vos vertus auxquelles j'élève des temples, sont les auteurs de mon amour; tout indigne que je suis de vous posséder, j'ai osé élever mes vœux à ce bonheur suprême. J'ai espéré; ah! qu'on se persuade facilement ce que l'on désire! Je n'ai vu, je n'ai senti, je n'ai respiré, je n'ai vécu qu'en vous, et je perds dans ce moment affreux ma maîtresse et ma vertu même; car, madame, tout le respect que je vous dois ne pourra m'empêcher de tirer vengeance de l'heureux mortel qui me supplante. Qu'ai-je à perdre après vous avoir perdue? La vie me sera à charge, et la mort est le seul bien que je désire.

(Il reste dans l'abattement d'une profonde tristesse.)

JULIE.

Mondor, si mon sort dépendait de moi-même, nos destins seraient unis pour jamais; votre esprit, vos vertus et vos talents réparent en vous l'injustice que vous a faite la fortune. Ce ne sont pas les biens que je désire; je trouverais tous mes vœux satisfaits en vous appar-