<353> chimérique d'un pays où jamais homme n'a habité ni n'habitera. Je ne condamne pas votre goût, mais les belles-lettres .....

BARDUS.

Va, va, les belles-lettres, cela est si commun! cela court par les rues; ce ne sont que de petits esprits qui veulent plaire aux femmelettes, qui s'y appliquent. Virgile et Homère, et, si vous voulez, Cicéron même, n'étaient pas dignes de délier les souliers de Platon; et ce grand philosophe, qui ignorait l'algèbre, était bien au-dessous du savantissime et doctissime Leibniz et de ses disciples.

ARGAN.

Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous sur ce chapitre, et il me semble que les belles-lettres sont tout à fait propres pour des gens qu'on destine au monde, et qu'on espère de mettre dans les grandes affaires. Pour qu'un jeune homme parle bien, il faut qu'il soit éloquent; et pour nourrir sa conversation, il faut que sa mémoire soit meublée de tous les bons ouvrages anciens et modernes. Les belles-lettres donnent un vernis de politesse au discours, et comme l'art du monde est l'art de plaire, il est sûr qu'un jeune homme qui a du génie réussira mieux en se parant de quelque bon mot d'Horace qu'en débitant un théorème d'Archimède.

BARDUS.

Mon cher ami, .. j'en suis fâché, .. vous avez l'esprit gâté par cette étude, qui ne demande que du génie. Nous autres, nous méprisons une application aussi frivole; nous sommes les scrutateurs de la nature, et nous approfondissons les choses, quand vous ne faites que glisser sur leur superficie. D'un côté par le calcul, et de l'autre par nos systèmes métaphysiques, nous arrachons ce que l'auteur de l'univers voulait dérober aux hommes. Vous arrangez des mots, nous