<289>Lichtenstein.

C'est en rougissant que je vous dirai que des gens qui ne savent ce que c'est qu'une compagnie, encore moins un bataillon, décident que vous n'étiez pas grand militaire, que vous deviez toute votre réputation à Cadogan,a que vous étiez politique rusé plutôt que grand général, capable de mouvoir tous les ressorts de l'intrigue dans votre parlement pour perpétuer la guerre et, sous cet abri, accumuler par des pillages les sommes considérables que vous avez amassées.

Marlborough.

Mon cas est singulier. J'ai été mortel, mais l'envie de mes ennemis m'a survécu. Oui, je me suis servi de Cadogan comme d'un habile homme que j'ai choisi pour m'assister dans mes travaux. Quel homme peut seul suffire pour mouvoir une armée? Il faut des assistants; plus l'on est aidé, et mieux en vont les affaires. J'ai eu des amis, même un parti dans le parlement; il le fallait bien, ou la mésintelligence intestine et le défaut d'assistance nous aurait ruinés, les plus beaux projets auraient manqué d'exécution. Et si j'ai tiré quelque argent des sauvegardes, c'était du pays de l'ennemi; c'est une rétribution légitime, due à tout général commandant en chef; tout autre en ma place en aurait fait autant et peut-être davantage.

Eugène.

Quoi! Höchstädt, Ramillies, Oudenarde, Malplaquet, n'ont pu servir de bouclier au nom de ce grand homme, et la victoire même n'a pu le défendre contre les indignes traits de l'envie! Et quel rôle aurait joué l'Angleterre sans ce vrai héros, qui l'a soutenue et l'a fait valoir, et qui l'aurait portée au comble de la grandeur, sans ces mi-


a Le général comte William Cadogan fit la guerre de la succession d'Espagne sous le duc de Marlborough, en qualité de quartier-maître général. Il se distinguait par la promptitude avec laquelle il faisait exécuter les dispositions de son chef. Il mourut en 1726.