<279>Choiseul.

C'était un incendiaire, et je fus un grand homme. Je jouais sur notre globe le rôle de la Providence; je réglais tout, sans que personne s'aperçût des moyens que j'employais; on voyait les coups, sans voir la main dont ils partaient.

Socrate.

Insensé! oses-tu bien te comparer à la Providence, tes fourberies avec la toute-sagesse, tes crimes avec l'archétype de la vertu?

Choiseul.

Oui, monsieur Socrate, je l'ose. Que votre tête pelée apprenne que les coups d'État ne sont pas des crimes, et que tout ce qui donne de la gloire est grand. Souvenez-vous que vos Grecs ont érigé en demi-dieux des hommes qui ne me valaient pas.

Socrate.

Il a des transports au cerveau; ce sont des redoublements d'accès. Va-t'en consulter Hippocrate; il est ici près, il guérira ta folie.

Choiseul.

Monsieur le comte de Struensée est plus proche; il me rendrait bien ce service, si j'en avais besoin (cependant sans opium). Ah! ce philosophe taciturne prend pour folie une noble fierté et la juste confiance que tout grand homme doit avoir en lui-même!

Struensée.

Vous n'avez pas besoin de remèdes, vous méritez les plus grands éloges; Machiavel vous eût donné la couronne des politiques. Mais pourquoi fûtes-vous exilé?