<260>Tout vain encor, de ses succès épris,
Pour les Russiens n'ayant que du mépris.
Il va fourrer sa troupe en un village
Où tout pilla, s'enivra, viola.
Personne aux champs ne criait, Qui va là?
Quand la nuit vint, tout dormit en silence,
Sans garde, enfin sans soins, sans vigilance.
Le Suwaroff avait tout projeté,
Et dans l'horreur de cette obscurité,
De sa bourgade il force les barrières.a
Dieu! quel réveil pour les confédérés,
Qui, étourdis, de la veille enivrés,
A peine avaient entr'ouvert les paupières,
Qu'on les échine à grands coups d'étrivières!
En un moment on prit tous ces pendards.
Un seul s'échappe en ce danger extrême;
Ce fut ... et qui? le premier des Césars.
Tout en fuyant, consterné, le teint blême,
Entrelardant la plainte et le blasphème,
Et maudissant la Vierge et les hasards,
Il se disait tristement en lui-même :
« C'est donc ainsi que j'ai su prévenir
Ces chiens français qui bientôt vont venir!
On m'aurait pris comme on prend une poule,
Si je n'avais d'excellents éperons.
La république enfin tombe et s'écroule;
Pourrai-je, hélas! survivre à tant d'affronts? »
Et cependant le Russe en Moldavie


a Le général-major Suwaroff surprit Oginski à Stolowice, en Lithuanie, au milieu de la nuit du 22 au 23 septembre 1771.