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CHANT V.

Au nom de roi, de potentat, de maître,
Chacun se dit : Ah! que je voudrais l'être!
Eh! pauvre sot, de la grandeur frappé,
Si tu l'étais, tu viendrais à connaître
Combien l'erreur et l'éclat t'ont trompé.
Et que serait-ce, un jour, si, sur le trône,
On surchargeait ton chef d'une couronne?
En serais-tu plus gras et mieux nourri,
Plus grand buveur, plus vigoureux mari?
En serais-tu plus sain pour ta personne?
Ami, crois-moi, les hommes sont égaux;
Dans chaque état, par un juste mélange,
Chacun éprouve, et ce n'est chose étrange,
L'alternative et des biens, et des maux.
Qu'importe donc sous quel différent masque,
Sous la couronne, ou la mitre, ou le casque,
Un sort cruel, inconstant et fantasque
Change cent fois ses bienfaits en rigueurs?
C'est même joie, ou ce sont mêmes pleurs.a
Qui te connaît? qui sait que tu respire?
De ton état l'heureuse obscurité,
Te dérobant à la malignité,


a Voyez t. XIII, p. 91, et ci-dessus, p. 113.