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IV. VERS A LA BELLE.

Vous voulez que de votre sœur
Je guérisse la maladie.
Hélas! daignez donc par faveur
Prendre aussi quelque part au danger de ma vie,
Et tâchez de guérir mon cœur.
Il souffre; la mélancolie
Le rend sombre, triste et rêveur;
Le nom dont Galien baptise sa langueur
S'appelle le tourment d'une cruelle absence.
Une fièvre d'impatience
De ses malheureux jours rend le fil odieux;
Son sort ou sa convalescence
Ne dépend que de la présence
D'Ulerique et de ses beaux yeux;
Et s'il n'en a quelque espérance,
Il faut vous préparer à d'éternels adieux.
Ses pleurs, son désespoir et sa douleur extrême,
Aiguisant d'Atropos les rigoureux ciseaux,
Vont le précipiter pour jamais au tombeau;
Car tout amant et quiconque aime
Sait que c'est être mort que d'être séparé
Six mois mortels entiers, plus d'un triple degré,
De la moitié de soi-même.

(Camp de Seitendorf, le 18 juillet 1762.)