<59>Le tonnerre en éclats va fondre sur ma tête;
Environné d'écueils, couvert de mes débris,
A l'aspect des dangers qui partout me menacent,
Les cœurs des pilotes se glacent,
Ils cherchent, mais en vain, un port ou des abris.
Du bonheur de l'État la source s'est tarie,
La palme a disparu, les lauriers sont fanés;
Mon âme, de soupirs et de larmes nourrie,
De tant de pertes attendrie,
Pourra-t-elle survivre aux jours infortunés
Qui sont près d'éclairer la fin de ma patrie?
Devoirs jadis sacrés, désormais superflus!
Défenseur de l'État, mon bras ne peut donc plus
Venger son nom, venger sa gloire,
En perpétuant la mémoire
De nos ennemis confondus!
Nos héros sont détruits, nos triomphes perdus;
Par le nombre, par la puissance
Accablés, à demi vaincus,
Nous perdons jusqu'à l'espérance
De relever jamais nos temples abattus.
Vous, de la liberté héros que je révère,
O mânes de Caton! ô mânes de Brutus!
C'est votre exemple qui m'éclaire
Parmi l'erreur et les abus;
C'est votre flambeau funéraire
Qui m'instruit du chemin, peu connu du vulgaire,
Qu'ont aux mortels tracé vos antiques vertus.
Tes simples citoyens, Rome, en des temps sublimes,
Étaient-ils donc plus magnanimes
Qu'en ce siècle les plus grands rois?