<32>Tandis que mon ardeur au Pinde me transporte,
Et que l'enthousiasme et sa brillante escorte
Subjuguent ma raison,
Qu'échauffé des exploits du héros que j'admire,
Leur charme tout-puissant, auteur de mon délire.
Me tient lieu d'Apollon;

Sur mon front décrépit les fleurs se sont fanées,
Le temps amène en hâte et l'âge et les années
Sur ses rapides pas;
De mes jours passagers la briève durée,
Trop prompte à s'écouler, dans peu sera livrée
A la faux du trépas.

Ah! quoique de mes sens la force s'évapore,
Cher prince, satisfait d'avoir de votre aurore
Vu les premiers rayons,
Si mes yeux ne sont plus témoins de votre gloire,
Si la mort me ravit d'une aussi belle histoire
Grand nombre d'actions;

Je puis au moins prévoir par mes heureux présages,
En perçant l'avenir et de la nuit des âges
La sombre obscurité,
Qu'après les longs travaux d'un courage intrépide
Votre nom s'accroissant ira d'un vol rapide
A l'immortalité.

(Janvier 1760. Voyez la Correspondance de Frédéric avec le marquis d'Argent.)